Bernard RAPP

 

 

-Né le 17 Février 1945 à Paris (Département de la Seine [aujourd'hui Ville de Paris], Région Île-de-France, France)

-Décédé le 17 Août 2006 à Paris (Département de la Ville de Paris], Région Île-de-France, France)

Nom de Naissance : Bernard André RAPP

 

 

JOURNALISTE, ÉCRIVAIN, RÉALISATEUR ET SCÉNARISTE FRANÇAIS

 

 

BIOGRAPHIE

 

        Les téléspectateurs noctambules pouvaient le voir une dernière fois quelques jours avant sa mort, répondant aux questions de la présentatrice Julienne BERTAUX pour le magazine de France 3 "Tous à la brocante"... et sortant de sa poche une boule d'ivoire en forme de globe terrestre, il s'amusait à raconter que serrer l'objet dans ses mains et en caresser les contours gravés lui donnaient la sensation ô combien fugace de posséder le monde... L'anecdote semble dérisoire, mais elle souligne la personnalité d'un homme décidément très attachant: Bernard RAPP avait l'ambition des exigeants, celle des amoureux de la vie qui partent en quête de mille chemins de traverse, mais ne s'arrêtent jamais longtemps dans une même auberge, comme s'ils voulaient tourner le dos au monde des "assis", comme s'ils savaient leur temps compté...

 

       Ainsi aimait-il la "chine", l'objet rare et le meuble précieux - son père était antiquaire -, la musique - il jouait du saxo et de la trompette -, mais aussi la télévision, la littérature, les cigares (des Hamlet, de préférence) et bien sûr... le cinéma...

 

       Parisien issu d'une famille bourguignonne, on le jurait volontiers d'ascendance britanni-que, Lord Byron échappé des feuillets d'Oscar WILDE... De l'auteur du "Portrait de Dorian Gray", il partageait d'ailleurs le dandysme raffiné, la raie au milieu et la mèche ondulante... Sa carrière télévisuelle débutera tout naturellement par un poste de correspondant... à Londres !

 

       Titulaire à 23 ans d'une licence en droit, il écrit d'abord dans un quotidien devenu depuis "Le Nouvel Économiste". Antenne 2 l'engage en 1976 comme grand reporter, jusqu'à ce poste à Londres en 1980. Il y restera trois ans: un week-end, Pierre LESCURE, alors directeur de l'information de la chaîne, lui rend une visite de courtoisie. Il est séduit par ce jeune homme à la fois élégant et compétent et décide de le ramener dans ses bagages. Il faut dire que ça "chauffe" à Paris: Patrick POIVRE d'ARVOR, frustré de partager sa place avec Christine OCKRENT pour le journal de 20 heures, claque la porte pour servir la chaîne concurrente! C'est donc Bernard RAPP qui s'y colle, devenant le prince consort de la "reine de l'info" et présentant les nouvelles du monde une semaine sur deux en alternance avec elle. Durant quatre ans, de 1983 à 1987, il présente donc la sacro-sainte "grand-messe" du soir avec un impeccable professionnalisme, s'arrogeant une seule fois le droit de choquer la ménagère et de bouleverser les conventions: le 18 Mai 1986, il débarque dans les foyers, abandonnant la chemise et la cravate, au profit d'un seyant polo Lacoste vert !!! Les uns crient à la révolution, les autres prétextent l'évolution...

 

       Las d'annoncer la fin du monde tous les soirs, il quitte l'information pour la culture... et cela lui sied à merveille! Littérature, spectacle, art de vivre deviennent ses mots d'ordre. De 1987 à 1989, il crée et anime, depuis le décor cosy d'un bar parisien, le Saint-James Club, la très emblématique émission hebdomadaire "L'Assiette anglaise" qui fera aimer l'Angleterre et même les Anglais! Bernard RAPP peaufine un style qui sera désormais sa griffe: jambes croisées, coude incliné contre le bras du fauteuil, l'attitude s'apparente davantage au Penseur de Rodin qu'au frondeur MALRAUX. Lles questions, elles, loin d'agresser l'interlocuteur, invitent à la confidence; pour un peu, on déboucherait le cognac et fumerait le havane... De 1990 à 1996, les émissions - certaines n'excédant pas quelques numéros - se succèdent selon un modèle éprouvé, empreint de raffinement et de détachement à l'égard de l'Audimat: "Caractères" (émission littéraire qui a la lourde tâche de succéder au mythique "Apostrophes" de Bernard PIVOT), "Tranche de cake", "My Télé Is Rich", "Rapptout", "Jamais sans mon livre",...

 

       De 1997 à 2001, Bernard RAPP se distingue grâce à une remarquable série de portraits où les indéracinables - HUGO, ZOLA, BRECHT,... - côtoient les iconoclastes - Jean GENET, Jacques CHARDONNE, Guy DEBORD,... Ces documents (257 au total !), souvent réalisés par des cinéastes de renom (Pavel LOUNGUINE, Jean-Christophe AVERTY,...) sont commentés par des comédiens au métier solide (Jean-Louis TRINTI-GNANT, Francis HUSTER, Daniel MESGUICH,...) et s'assurent une place de choix au Panthéon télévisuel... Pas de chronologie étudiée dans la litanie des portraits de la littérature mondiale que brosse Bernard RAPP, mais un ordre qui correspond aux humeurs de l'artiste; il clôt cette série en beauté par la biographie d'un écrivain... qui n'existe pas! (sic !). Et si certaines personnalités conviées à témoigner du "célèbre" Antoine Chuquet (1905-1982) avouent à leur grande honte n'en avoir jamais entendu parler, il s'en trouvera d'autres qui attesteront sur l'honneur l'avoir intimement côtoyé!

 

       C'est par ce gag subtil, à l'image de son auteur, que Bernard RAPP tourne le dos à une télévision, dont la propension grandissante à produire des programmes toujours plus édifiants de télé-réalité le décevra beaucoup... Celle-ci lui aura cependant permis d'obtenir trois 7 d'Or (Meilleur Présentateur de J.T. en 1987, Meilleur Journaliste ou Reporter en 1988 et Meilleur Magazine Culturel ou Artistique en 1989 pour "L'Assiette anglaise") et un Grand Prix National de la Culture... Il n'y reviendra qu'une seule fois pour animer une série d'entretiens sous forme de master-classes ("Les Feux de la rampe", entre 2001 et 2003 sur France 3), où des comédiens renommés évoqueront leurs carrières et répondront aux questions d'un public attentif dans le décor feutré d'un théâtre... Cinéphile érudit, co-auteur avec Jean-Claude LAMY d'un monumental "Dictionnaire mondial des films" réédité annuellement par Larousse, Bernard RAPP rendait par la même occasion un hommage appuyé à l'émission américaine "Inside The Actors Studio" de James LIPTON...

 

       Les sirènes du cinéma le titillaient depuis si longtemps - il avait signé le scénario d'un moyen-métrage documentaire, "L'Eau et les Hommes" de Pierre WILLEMIN, dès 1985... Il réalise à 52 ans passés son premier film: "Tiré à part", curieux polar situé dans le milieu de l'édition, avec Terence STAMP. Mais c'est surtout avec son second opus: "Une affaire de goût", en 2000, avec Bernard GIRAUDEAU et Jean-Pierre LORIT, qu'il connaît le succès public et critique. Le film décroche le Grand Prix du Festival du Film Policier de Cognac, et se paie le luxe d'être nommé cinq fois aux César. Suivront deux productions au registre plus léger: "Pas si grave" en 2002 avec Sami BOUAJILA et "Un petit jeu sans conséquence" en 2004, adaptation d'une pièce de théâtre à succès avec Sandrine KIBERLAIN et Yvan ATTAL, qui reçoit le Prix Coup de Cœur du Public... Il avait un nouveau projet pour 2007: "La Vierge rouge" adapté du roman anglais  "Quand nous étions jeunes" de Nicci GERRARD...

 

       Les dimanches se déroulaient à Ville-d'Avray, comme dans un film de Serge BOURGUIGNON... Bernard RAPP pouvait se targuer d'avoir fait en sorte que ses deux épouses successives: Marie (jeune étudiante rencontrée à Londres et qui lui donnera deux enfants, Joseph et Louise) et Gaëlle BEYSSIÈRE (productrice, épousée en 1996), s'entendent à merveille autour de la table dominicale où il s'adonnait à la cuisine, avec passion comme toujours...

 

       Il était ravi, car il fourmillait de projets... Dans un mois, il serait grand-père pour la première fois, sa fille Louise allait bientôt se marier, lui-même chouchoutait sa petite Léonie née en 2003... Il venait aussi de créer sa propre maison de production (Everybody On The Deck), destinée à financer des films et des documentaires... Aussi, quand, en mars 2006, il ressent de violentes douleurs dans le dos, et que l'I.R.M. diagnostique un cancer du poumon, Bernard RAPP ne croit pas qu'il va mourir... Pourtant, en une semaine, tout s'accélère : rapatrié d'urgence à Paris depuis sa maison normande, il décède à l'hôpital le 17 Août sans s'en rendre compte... Le gentleman a filé... à l'anglaise, naturellement !             

 

                             

© Christophe JACOB © Cinéma m’était conté - pour “Les Gens du Cinéma” (Mise à jour le 13/09/2006)

 

 

FILMOGRAPHIE :

 

1985             L' eau et les hommes : de Pierre Willemin – Moyen Métrage Documentaire –

                                   Seulement Scénario

1995             Tiré à part : de Bernard Rapp

                        avec Terence Stamp

                                   + Scénario, Adaptation et Dialogues

1999             Une affaire de goût : de Bernard Rapp

                        avec Bernard Giraudeau

                                   + Scénario et Dialogues

2002             Pas si grave : de Bernard Rapp

                        avec Sami Bouajila

                                   + Scénario

2004             Un petit jeu sans conséquence : de Bernard Rapp

                        avec Yvan Attal

                                   + Adaptation et Dialogues

 

ã Jean-Pascal CONSTANTIN pour Les Gens du Cinéma (Mise à jour 18/08/2006)