JULIETTE  MAYNIEL

 

 

         Vrai nom : Raymonde Marie Juliette Meyniel.

         Née à Saint-Hippolyte (Aveyron) le 22 janvier 1936.

 

"T'as de beaux yeux, tu sais…" l'inoubliable réplique culte du cinéma français d'avant-guerre échangée sur un quai du Havre.

 

Une réplique que Claude Chabrol emprunta très certainement pour Juliette Mayniel avant que les critiques n'hésitèrent pas à saluer comme la nouvelle Michèle Morgan.

Ni plus ni moins.

 

C'est que Chabrol, en quête d'une héroïne, la remarqua dans un film publicitaire. Fasciné par l'éclat de ses yeux et son regard profond à s'y noyer, il n'eut de cesse de la retrouver afin de l'engager et d'en faire l'égérie idéale de ce qui allait devenir la "Nouvelle Vague".

 

 

 

F

ille d'un papa cafetier d'un petit village entre Aubrac et Cantal, Juliette quitte sa terre  natale pour poursuivre ses études de lycéenne à Bordeaux. C'est sur la scène de ce lycée qu'elle découvre le théâtre et le répertoire giralducien. Ce sera-là son unique expérience de comédienne pré-cinéma.

 

A vingt ans, elle monte à Paris, s'installe à Saint-Germain-des-Prés et se présente au Conservatoire d'où elle s'échappe assez vite tant elle est paralysée par le trac, renonçant par là même aux épreuves d'entrée.

Dès lors, elle se réfugie dans le dessin et s'applique sur des foulards et des modèles de chaussures pour une maison de haute couture.  Puis, sollicitée par une agence publicitaire, elle tourne un clip vantant les doux bienfaits d'une célèbre marque de savon.

 

C'est l'élément déclencheur de sa carrière.  Claude Chabrol qui vient de terminer son premier film, Le beau Serge, avec le succès que l'on connaît et annonciateur des premières ondes sismiques  de ce que Françoise Giroud appellera la "Nouvelle vague", est en quête de sa jeune  Florence, l'héroïne convoitée par Les cousins totalement dissemblables qu'incarnent Gérard Blain et Jean-Claude Brialy.

 

La société de publicité ayant perdu son adresse, il faut recourir aux amis, à ceux qui peut-être savent où la joindre, et finalement aux petites annonces. Chabrol, tenace, a son entêtement récompensé puisqu'on finit par retrouver sa Florence.

Juliette, révélation du film, doit à cette interprétation d'accéder à une notoriété immédiate.

Elle ressemble à Ingrid Bergman confie Jean-Claude Brialy, à Michèle Morgan affirment d'autres.

 

Quoi qu'il en soit, les contrats s'enchaînent et elle se retrouve sur les quais de Concarneau (à défaut de ceux du Havre) avec Pêcheur d'Islande, une transposition moderne du roman de Pierre Loti, pour laquelle elle interprète la fille de l'armateur amoureuse du beau et viril capitaine (Jean-Claude Pascal).

 

Puis, Les yeux sans visage qui seront les siens, ceux de la malheureuse étudiante victime d'un neuro-chirurgien (Pierre Brasseur) épris de vanité scientifique qui l'immole au scalpel de sa  chirurgie ratée, ce qui pousse notre jeune héroïne au suicide.

 

En 1960, le festival de Berlin lui décerne l'Ours d'argent pour la meilleure interprétation féminine de Kirmes / Je ne voulais pas être un nazi, de Wolfgang Staudte, cinéaste courageux parfois dérangeant, ce qui n'est pas incompatible. Dans ce film dont l'action se passe lors des  derniers jours d'avril 1945, elle incarne une Française déportée pour le travail obligatoire en Allemagne dont tombe amoureux un jeune soldat qui vient de déserter les rangs d'une Wehrmacht en déroute.

 

En 1961, Cinecittà l'appelle, seule Française, pour briller dans La guerre de Troie auprès de Steve Reeves, Mister Univers 1950 et Américain survitaminé en rupture d'Hollywood, dans un péplum récurrent où s'étripent à qui mieux mieux Troyens et Grecs, vaillants culturistes au torse huileux.

 

Chabrol la rappelle pour Ophélia où, toute de douceur et aimante, elle se refuse néanmoins d'être la blonde héroïne scandinave des inquiétants fantasmes de son fiancé André Jocelyn s'imaginant sur les remparts d'Elseneur, acteur exclusivement chabrolien, remarquable et méconnu, dont c'est par ailleurs le dernier film.

 

Juliette poursuit avec Chabrol, victime d'un Landru parfaitement campé par le regretté  Charles Denner cynique et macabre à souhait, auprès de qui elle incarne l'une des disparues de Gambais.

 

Suit un retour transalpin définitif pour vivre une jolie romance avec le grand acteur… et tout aussi grand séducteur qu'est Vittorio Gassman, de qui elle aura un fils, Alessandro, lui-même comédien aujourd'hui âgé de 42 ans et papa d'un petit Léo.

 

Hélas, le retour cinématographique est malheureusement consacré à des films que l'on peut qualifier de moyens ou même de franchement nunuches tel Il vizio di famiglia / Un vice de famille dont on ne comprend toujours pas aujourd'hui pourquoi elle a cru bon d'aller s'y fourvoyer auprès d'une Edwige Fenech, grande experte des galères érotico-masochistes.

 

Par la suite, elle n'apparaît que dans des productions qui ne passeront pas les Alpes piémontaises telle cette énième version télévisée de Madame Bovary avec Carla Gravina dans le rôle-titre.

 

Son ultime apparition (et il s'agit bien de cela, très éphémère) en 1982 reste pour Di padre in figlio, un rapport familial écrit, réalisé et interprété par Vittorio et Alessandro Gassman, un film assemblé grâce à dix années de complicité, de petits accrochages et de grands amours entre un  père et un fils.

 

 

FILMOGRAPHIE

 

1957  Premier Mai / Le père et l’enfant, de Luis Saslavsky, avec Yves Montand.

1958  Les cousins, de Claude Chabrol, avec Gérard Blain.

          Pêcheur d’Islande, de Pierre Schoendoerffer, avec Jean-Claude Pascal.

1959  Les yeux sans visage, de Georges Franju, avec Alida Valli.

          La nuit des traqués, de Bernard-Roland, avec Samy Frey.

          Marche ou crève, de Georges Lautner, avec Bernard Blier.

1960  Les godelureaux, de Claude Chabrol, avec Bernadette Lafont.

          La peau et les os, de Jean-Paul Sassy, avec Gérard Blain.

          Un couple, de Jean-Pierre Mocky, avec Christian Duvaleix.

          Kirmes / Je ne voulais pas être un nazi / Kermesse, de Wolfgang Staudte, avec Götz George.

1961  La guerra di Troia / La guerre de Troie, de Giorgio Ferroni, avec Steve Reeves.

          Ça c’est la vie, de Claude Choublier, avec Serge Marquand.

          Jusqu’à plus soif, de Maurice Labro, avec Pierre Michaël.

          Ophélia, de Claude Chabrol, avec Alida Valli.

1962  A cause… à cause d’une femme, de Michel Deville, avec Jacques Charrier.

          Landru, de Claude Chabrol, avec Charles Denner.

1964  Amori pericolosi, sketch "Il passo" de Giulio Questi, avec Frank Wolff.

1965  Il segreto del vestito rosso / Assassinio made in Italy / Assassinat à Rome, de Silvio Amadio,

          avec Cyd Charisse.

1968  Scusi, facciamo l’amore ? / Et si on faisait l’amour ?, de Vittorio Caprioli, avec Pierre

          Clémenti.

          L'alibi, de Vittorio Gassman, Adolfo Celi et Luciano Lucignani, avec Vittorio Gassman.

1969  Il gatto selvaggio, de Andrea Frezza, avec Carlo Cecchi.

          Quella piccola differenza, de Duccio Tessari, avec Pino Caruso.

1970  Un amore oggi, de Edoardo Mulargia, avec Gino Lavagetto.

1973  Femmes au soleil, de Liliane Dreyfus, avec Geneviève Fontanel.

1974  Piedone lo sbirro / Un flic hors-la-loi, de Steno, avec Bud Spencer.

1975  Peccati in famiglia, de Bruno Gaburro, avec Michele Placido.

          Il vizio di famiglia / Un vice de famille, de Mariano Laurenti, avec Edwige Fenech.

1976  Bestialità / Il segno sotto la pelle, de Peter Skerl, avec Philippe March.

          I prosseneti, de Brunello Rondi, avec Alain Cuny.

          Il maestro di violino, de Giovanni Fago, avec Domenico Madugno.

          Un anno di scuola, de Franco Giraldi, avec Mario Adorf.

1978  Madame Bovary, de Daniel d'Anza, avec Carla Gravina.

1978  Solamente nero, de Antonio Bido, avec Massimo Serato.

1982  Di padre in figlio, de Vittorio Gassman et Alessandro Gassman, simple apparition.

 

 

©  Yvan Foucart pour Les gens du cinéma (4 avril 2007)