Laurent MALET
Vrai nom : Laurent Marie Guespin-Malet.
Né à Bayonne (Pyrénées-Atlantiques) le 3
septembre 1955.
C'est un comédien extrêmement attachant et au talent solide dont on peut saluer le parcours remarquable dans les trois disciplines si
différentes que sont le théâtre, le cinéma et la télévision.
Ce n'est pas une évidence surtout lorsque l'on privilégie
l'excellence, l'exigence, et que l'on rejette toutes compromissions n'entrant
pas dans sa propre perception
artistique. Surtout quand une gémellité aussi frappante avec son frère Pierre
peut desservir l'un et l'autre, allant jusqu’à apporter, parfois, une confusion
dans le chef des producteurs.
D |
es
jumeaux Guespin-Malet, Laurent est le plus âgé puisque son arrivée précède de
vingt minutes celle de Pierre.
Et
soyons davantage précis : ils naissent à Bayonne et non à Saint-Jean-de-Luz ou
Saint-Tropez si ce n'est Ramatuelle comme l'affirment la plupart de ses
biographies. Il est vrai que, très jeunes, ils accompagneront leur maman sur la
presqu'île varoise.
Le
pseudonyme de Malet vient de Florence, la maman d'origine landaise. Quant au
papa, Jean-Jacques, il est photographe.
Les jumeaux ont quatre ans lorsqu'ils divorcent.
Florence
se remarie en avril 1963, avec le réalisateur et scénariste Norbert Carbonnaux
ce qui n'est pas sans incidence sur l'intérêt que suscite le milieu artistique
auprès des frères.
Le
baccalauréat en poche, Laurent s'inscrit aux cours privés qu'enseigne
Tsilla
Chelton, cette très grande dame du théâtre à l'œil lucide, entre autres créatrice de nombreuses pièces d'Eugène Ionesco.
Laurent s'y retrouve en joyeuse compagnie car parmi les élèves figure la
future équipe du Splendid : Gérard Jugnot, Michel Blanc, Thierry Lhermitte,
Christian Clavier et Valérie Mairesse.
Ensuite,
il fréquente durant deux ans
l'ENSATT (l'Ecole Nationale Supérieure des Arts et Techniques du Théâtre) et
s'applique aux cours de Teddy Bilis et d'Yves Gasc, puis ceux dispensés par
Blanche Sallant au sein de son école de l'Actors Studio du Centre américain de
Paris.
Son
premier contact avec la scène s'effectue grâce à La guerre de Troie n'aura pas lieu de
Jean Giraudoux et ce, aux côtés de Claude Jade, toute jeune maman, et de Michel
Albertini. Jacques Mauclair signe la mise en scène et lui confie le rôle de
Troïlus, le jeune et timide Troyen amoureux de la belle captive, Hélène, la
reine grecque (Th. des Célestins, Lyon 1976).
Simultanément,
son passage au cinéma pour un spot publicitaire vantant une marque de lunettes
solaires (Ray-Ban) lui donne un petit coup de pouce de reconnaissance qui n'est
sans doute pas étranger à une certaine notoriété auprès des décideurs de la
profession.
En
tout cas, c'est lors de cette même année qu'il inaugure sa carrière à l’écran
avec Pierre, et ce devant la caméra bien rythmée de José Giovanni pour
Comme un boomerang, un thriller largement dominé par Alain Delon et Charles
Vanel. Leurs rôles, de jumeaux évidemment, sont encore modestes. Ils interprètent des enfants rebelles et
brutaux qui tyrannisent à plaisir leurs parents, de richissimes propriétaires
sur la Côte d'Azur dont la villa sert de refuge à des
drogue-parties. Comme début, ce n'est pas si mal… même s'il s'agit d'encaisser
une magistrale raclée d'Alain Delon !
La
correction digérée, il entame Haro ! pour lequel Gilles Béhat lui confie
son premier rôle important, celui d'un jeune villageois en révolte, un peu
braconnier, vivant sa première histoire d'amour qui se termine d'ailleurs très
mal après avoir été accusé à tort et incarcéré. Ce même Gilles Béhat qui, onze
ans plus tard, le dirige dans un tout autre registre, celui d'un séminariste
binoclard et naïf quelque peu égaré dans un drame passionnel, Charlie Dingo,
auprès de Guy Marchand et de Caroline Cellier.
Vient
Joseph Losey qui lui propose le rôle du fils d'Yves Montand dans Les routes
du sud, un récit issu d'un canevas de Jorge Semprun inspiré par ses
souvenirs toujours latents de la guerre civile espagnole.
Un
conflit intellectuel opposant le père, résistant anti-franquiste en proie à une
remise en question, aux idées novatrices du fils lui reprochant sa nostalgie
d'ancien combattant. Avec en plus un
complément d'intrigue sentimentale. Pour Laurent, très remarqué par la critique
qui le salue déjà comme "un comédien habité jusque dans ses silences"
ce rôle lui permet de préciser, et son registre et son image.
L'année suivante, Claude Chabrol lui offre son premier
voyage au Canada avec Les liens de sang où il se retrouve à nouveau
inculpé d'un meurtre, celui de son ex-petite amie.
Toujours
à Montréal, Pinoteau le dirige ensuite dans les deux versions, française et
anglaise, de L'homme en colère auprès de Lino Ventura et d'Angie
Dickinson.
Faussement
impliqué dans un meurtre commis au Québec, il déjoue les pièges tendus par les
malfrats lancés à sa poursuite tandis que son père (Ventura) tente de le
retrouver et de lui venir en aide.
A
noter que Olivier Guespin cité au générique et qui incarne Laurent adolescent
n'est autre que son demi-frère… (et aussi celui
d'Emmanuelle Béart).
dans L'homme en colère
Un
changement radical de décor s'opère avec le film suivant dû à Raoul Coutard, La
légion saute sur Kolwezi, qui relate l'invasion encore récente du Katanga
par des forces séparatistes basées en Angola. Entièrement tourné en Guyane,
les autorités zaïroises ayant refusé leur accord,
Laurent campe avec beaucoup de conviction un coopérant fraîchement débarqué et
amoureux d'une jeune noire.
Suivent
de façon non exhaustive Bobo Jacco de Walter Bal en jeune dévoyé auprès
d'une maîtresse bien complaisante tenue
par Annie Girardot; Le cœur à l'envers ou les retrouvailles
ambiguës, après douze ans de séparation, d'une mère (Annie Girardot, à nouveau)
et de son fils sur fond de week-end sentimental à Grenade; Invitation au
voyage de Peter Del Monte, un sombre drame dont la mort accidentelle de la
sœur qu'il aimait d'une passion absolue et incestueuse le plonge dans un
dérèglement mental, film en compétition au Festival de Cannes 1982 pour lequel
le Prix de la meilleure contribution artistique est décerné à Bruno Nuytten, le
chef opérateur; Querelle d'après Jean Genet, une co-production
franco-allemande qu'il tourne à Berlin sous la férule de ce grand cinéaste
qu'est Fassbinder, lequel termine le montage peu de jours avant sa mort. Son
film initialement prévu pour le 35ème Festival de Cannes n'étant pas prêt,
c'est la Mostra de Venise qui a l'honneur de le présenter fin août 1982.
Controversé et bien qu'ardemment défendu par Marcel Carné, président du jury,
la précieuse statuette, le Lion d'Or, lui échappe.
Viva
la vie ! dans un labyrinthe propre à notre incorrigible Lelouch qui
en fait le fils d'un patron de multinationale mystérieusement kidnappé (Michel
Piccoli) et de Charlotte Rampling ; Cuore, un film généreux de
délicatesse de Luigi Comencini; A mort, l'arbitre ! de
notre iconoclaste Mocky où, portant minerve et sonotone, il partage la vindicte
d'une horde de supporters allumés et dangereux.
Parking, le mythe d'Orphée et d'Eurydice revisité en conte musical
moderne qui ne connaît qu'un faible succès d'estime mais pour Laurent le
souvenir d'une heureuse connivence avec Jacques Demy, le réalisateur, qu'il
qualifie de maître "enchanté".
Autre
rendez-vous majeur, en Pologne, avec Andrzej Wajda pour Les possédés
d'après Dostoïevski où il incarne Kirilov, l'athée mystique et suicidaire à qui
l'on fait endosser l'assassinat de
Chatov en rupture du groupe nihiliste; Ce jour-là de Raul Ruiz, pour une
courte mais excellente prestation au sein d'un film assez déconcertant, nourri,
diront certains, par des personnages plutôt saugrenus constituant un casting
des plus brillants : Giraudeau, Piccoli, Balmer, Rufus et Elsa Zylberstein. Et
à ce jour, le dernier au titre encore provisoire : La maison Nucingen, tourné à Santiago du
Chili pour lequel il retrouve le même réalisateur et la même partenaire… et son
copain Jean-Marc Barr.
Notons
aussi que Laurent s'essaya en tant que scénariste et réalisateur pour Au nom
d'un chien, un court métrage avec,
précisément, Jean-Marc Barr comme unique interprète.
Comédien
complet, outre l'œuvre giralducienne jouée à Lyon, on lui doit également
d'autres moments de frémissements et de bonheurs sur les scènes, notamment avec
Le paradis sur terre de Tennessee Williams (Th. de la Comédie de Reims,
1982); La fleur au fusil de John Wilson
(Th. de Boulogne-Billancourt, 1983); Dans la solitude des champs de
coton, probablement la pièce la plus connue de Bernard-Marie Koltès qu'il
crée aux Amandiers de Nanterre avec Isaach de Bankolé lequel laissera son rôle
à Patrice Chéreau qui assume la mise en scène, une pièce à deux personnages,
l'affrontement entre un client écorché vif qu'interprète Laurent face à son
dealer calme et doux, un immense succès qui tiendra l'affiche durant trois ans.
Retours
de Pierre Laville (Th. de l'Odéon, 1989); Un transport amoureux de
Raymond Lepoutre avec laquelle Antoine Vitez alors administrateur général de la
Comédie Française signe son avant-dernière mise en scène (Th. Petit Odéon,
1989); Rimbaud, dernière escale d'après la correspondance de la famille
du poète, dont il est le co-auteur avec Michel Rachline (Th. Molière, 1999); Le
crime était presque parfait de Frédérick Knott (Th. du Vieux Quartier de
Montreux, 2003) avec, entre autres, Marie Adam et Jean-Pierre Kalfon; etc.
Il
convient de relever de très belles prestations pour la télévision commencées
notamment avec une mini-série anglo-française partiellement tournée dans le
Lubéron The free Frenchman / Un Français libre de Jim Goddard où il
retrouve son ami Jean-Pierre Aumont rencontré douze années plus tôt sur Rendez-vous
en noir de Claude Grinberg. A Arcachon et sa région, pour La part de
l’autre, premier long métrage écrit et réalisé par la discrète Jeanne
Labrune, produit pour la télévision par TF1 et néanmoins présenté au Festival
de Cannes dans la section "Perspectives du cinéma français", un film
délicat sur les relations gémellaires pour lequel Pierre est évidemment son
partenaire ainsi que Christine Boisson en séductrice subversive. Ensuite Monsieur Ripois de Luc Béraud au titre évocateur bien
évidemment, mais néanmoins éloigné du long métrage réalisé par René Clément,
dont sa performance du héros frustré mérite cependant d'être soulignée;
immédiatement suivie par Le feu follet, une autre adaptation d'après la
nouvelle de Drieu La Rochelle avec à nouveau Christine Boisson. Et puis, sa remarquable
interprétation de l'auteur génial et désespéré du "Bateau ivre" : Arthur
Rimbaud, l'homme aux semelles de vent (surnom donné
par Verlaine) un téléfilm en deux parties produit par
France 2, antérieur à la pièce citée ci- avant. On le retrouve en aventurier
émacié, barbu, malade, à la tête d'une caravane de cotonnades au milieu de
l'Abyssinie.
Citons aussi Cayenne, les
amants du bagne de Thierry Binisti, les horreurs du pénitencier guyanais
dans les années 1920, tourné à Cuba avec Antoine de
Caunes dans le rôle du journaliste
Albert Londres.
Sa dernière prestation,
encore inédite, date de 2007 pour un épisode des Cordier / Classe tout
risque.
Nous ne pouvons nous
intéresser à Laurent sans évoquer le livre bouleversant qu'il écrivit sur la
disparition de sa maman atteinte d'un cancer cérébral. Un récit pudique et
émouvant et par lequel il dénonce, vingt ans après le décès, la terrible agonie
dont elle fut victime ainsi que
l'absence d'accompagnement vers une mort digne. Une question difficile,
celle encore et toujours d'actualité : l'euthanasie au XXIème siècle ("En
attendant la suite" aux Editions du Cherche-Midi, 2006).
En 1987, Laurent rencontre
Isabelle Renauld alors étudiante aux cours donnés au Théâtre des Amandiers.
Avec Isabelle, il ne s'agit
pas d'une brève rencontre, mais d’un charmant rapprochement dont on peut
deviner la suite.
Ils tourneront souvent
ensemble, notamment, dans Monsieur Ripois, Les croix sur la mer et Cayenne, les amants du bagne.
Certes, pas de passage
devant monsieur le Maire, mais une très longue complicité et un fils de 20 ans,
Théo…
© avec nos vifs
remerciements à Laurent Malet pour sa gentillesse et sa disponibilité.
et à ne pas manquer, son site officiel
: www.laurent-malet.org
FILMOGRAPHIE
1976 Comme un boomerang, de José Giovanni, avec
Alain Delon.
Haro !, de
Gilles Béhat, avec Valérie Mairesse.
1977 Les routes du sud, de Joseph Losey, avec Yves
Montand.
1978 Les liens de sang, de Claude Chabrol, avec
Donald Sutherland.
1979 L’homme en colère / The Angry Man, de Claude
Pinoteau, avec Lino Ventura.
La
légion saute sur Kolwezi, de Raoul Coutard, avec Mimsy Farmer.
1980 Bobo Jacco, de Walter Bal, avec Annie
Girardot.
Le cœur à l’envers, de Franck
Apprederis, avec Annie Girardot.
1981 Invitation au voyage, de Peter Del Monte,
avec Aurore Clément.
1982 Querelle, de Rainer Werner Fassbinder, avec
Jeanne Moreau.
1983 Viva la vie !, de
Claude Lelouch, avec Michel Piccoli.
Cuore, de Luigi Comencini, avec
Johnny Dorelli, + version TV (intégrale).
1984 A mort l’arbitre !,
de Jean-Pierre Mocky, avec Michel Serrault.
Tir à vue, de Marc Angelo, avec
Sandrine Bonnaire.
1985 Parking, de Jacques Demy, avec Francis
Huster.
La part de l'autre, de Jeanne
Labrune, avec Pierre Malet, tourné pour la télévision puis sorti
en salles.
1986 La puritaine, de Jacques Doillon, avec
Sandrine Bonnaire.
1987 Charlie Dingo, de Gilles Béhat, avec Caroline
Cellier.
Les possédés, de Andrzej Wajda, avec
Isabelle Huppert.
Dear
America, letters home from Viêt-Nam / Dear América, lettres du Viêt-Nam,
documentaire de Bill Couturié, seulement voix pour la version française.
1989 The free frenchman / Un Français libre, de
Jim Goddard, avec Agnès Soral, + version TV
(intégrale).
1991 Dans la solitude des champs de coton, de
Benoît Jacquot, avec Patrice Chéreau. (adaptation
filmée de la pièce de Bernard-Marie Koltès)
1994 Au nom d'un chien, court métrage, uniquement
réalisation et scénario, avec Jean-Marc Barr
seul interprète.
1998 Le plus beau pays du monde, de Marcel Bluwal,
avec Claude Brasseur.
2003 Ce jour-là, de Raul Ruiz, avec Elsa
Zylberstein.
2007 La maison Nucingen, de Raul Ruiz, avec Elsa
Zylberstein. (inédit)
© Yvan Foucart
pour Les gens du Cinéma - 4 avril 2008.
yfoucart@orange.fr