Lucile COSTA
Née le 11 mars 1918 à Bastia et décédée le 5 avril
2001 à Nice
Souvenirs de Stéphan Guérard
Savez-vous
qui est Lucile Costa? Eh bien, elle a été l’une de nos plus grandes scriptes du
cinéma français. Pour ceux qui ne savent pas ce que c’est une scripte, elle est
en fait, la collaboratrice du réalisateur. Elle note tous les détails relatifs
à la prise de vues et elle est responsable de la continuité de la réalisation
du film. Elle doit faire très attention aux raccords, car les plans ne sont pas
tournés dans l’ordre de l’histoire.
Lucile Costa,
que tout le monde dans le métier surnommait « Minouche », est née et
a habité de nombreuses années en Corse. Je lui téléphonais de temps en temps
là-bas lorsque j’étais étudiant à Nice. Puis, elle a déménagé et m’a reçu chez
elle à Valbonne (sur les hauteurs de Cannes) en juin 1997. Je me rappellerai
toujours de cette merveilleuse rencontre. J’étais venu avec un beau bouquet de
roses et elle en était ravie. Elle avait à ce moment là 79 ans et cela faisait
17 ans qu’elle était à la retraite. Elle se passionnait depuis toujours à
réaliser des tableaux de fleurs séchées. Nous avons bu du bon vin blanc.
J’étais venu avec un petit dictaphone pour lui poser des questions sur les
films qu’elle a fait et enregistrer ses propos. Je lui ai dit que sa
filmographie était très impressionnante. Et elle est restée très modeste, très
humble. C’était une femme pleine de vie, passionnée, et vraiment d’une très
grande gentillesse. Je ne l’oublierai pas. Nous avons passé de bons moments à
rigoler.
Parlons
de sa carrière. Elle a été la scripte de Jean Cocteau sur « La belle et la
bête » ou encore « Le testament d’Orphée ». Elle m’a raconté
qu’elle avait même doublé l’actrice Josette Day sur le cheval. Et les rapports
qu’elle a eu avec Cocteau étaient excellents. Jean
Cocteau se confiait souvent à elle et lui disait: « Tu sais, ce qui est
grave, c’est de vieillir! ». Lors des déplacements en tournage, Lucile
Costa était la seule personne qu’il voulait dans sa voiture. Aussi elle m’a
raconté que sur les tournages des films de Cocteau, l’équipe tournait un plan
ou deux par jour tellement c’était soigné.
Lucile Costa
a été la scripte attitrée d’Henri Verneuil (« La vache et le
prisonnier », « Le président », « Un singe en hiver »,
« Mélodie en sous-sol », « Le clan des siciliens »…) et de
José Giovanni (« Le rapace », « Deux hommes dans la
ville »…). Elle a également était la scripte de Jacques Tati sur
« Play-time » ou encore de Philippe de Broca sur « L’homme de
Rio ».
Avec
Gérard Oury: « Le corniaud » en tant que
scripte, qui lui laissera le souvenir de nombreux fou-rires et la difficulté de
se retenir pendant les prises, et « La grande vadrouille » en tant
qu’assistante réalisatrice! Lucile Costa étant très demandée pour son
professionnalisme, Gérard Oury voulant absolument
l’avoir dans son équipe, lui a proposé de « monter en grade »!
« Le corniaud » et « La grande vadrouille » sont deux films
qui sont entrés dans la légende! Grâce aussi à la complicité de Bourvil et
Louis de Funès avec qui Lucile Costa nouera une grande amitié, dû en partie par
leur passion commune pour la nature et le jardinage. « Louis de Funès
était un être exquis, un ami formidable, très gentil et très humain. Sur le
plateau il se donnait à fond, il ne s’arrêtait pas, il était une vraie pile
électrique! » m’a-t-elle dit. Elle garde un très
bon souvenir de Bourvil également, ou encore de Jean Gabin avec qui elle a
beaucoup tourné. Gabin disait: « Je ne connais qu’une scripte: c’est
Minouche! ». D’ailleurs Florence Moncorgé (l’une
des filles de Gabin) apprendra le métier de scripte auprès d’elle. En revanche,
avec Fernandel, c’est le seul qu’elle ne garde pas un bon souvenir car
Fernandel passait à côté d’elle en lui disant: « Sale Corse! ». « Il n’était pas gentil. Dans la vie privée, c’était
l’horreur! » m’a-t-elle confié. En tout cas il faut reconnaître l’immense acteur
qu’était Fernandel, un « monument » que certains trouvaient
prétentieux, mais je pense qu’une personne qui fait rire ne peut pas être
vraiment mauvaise, elle a forcément un bon fond.
J’ai donc
passé l’après-midi chez Lucile Costa dans sa maison de campagne, où nous
évoquions les tournages, des tournages auxquels elle a participé avec toujours
beaucoup de professionnalisme et de gentillesse. Lucile Costa était très
appréciée dans le métier. Arrivé le soir de cette rencontre, la nuit tombée,
elle m’a proposé de rester manger un morceau avec elle. Il était tard et j’ai
préférais partir. Elle m’a raccompagné en voiture jusqu’à la gare de Cannes où
j’ai ensuite pris un train pour rejoindre mon meublé à Nice, lorsque j’étais
étudiant à l’ESRA (Ecole Supérieure de Réalisation
Audiovisuelle). Le trajet en voiture avec Lucile Costa, à l’âge de presque 80
ans, a été exceptionnel! Elle brûlait les feux rouges! J’ai quand même eu très
« chaud »! Mais elle semblait tout de même bien contrôler sa voiture
et elle m’a beaucoup épaté! Quelle énergie! Et que de fou-rires nous avons eu!
Par la suite,
j’ai croisé le réalisateur José Giovanni à un salon du livre à Nice, à qui j’ai
donné les coordonnées de Lucile Costa, car il l’avait perdue de vue. Puis, elle
a été placée dans une maison de retraite, à Antibes, et avait malheureusement
la maladie d’Alzheimer. Je me souviens lui avoir téléphoné, après une longue
période de silence, elle se souvenait curieusement très bien de moi. Mais
j’étais très triste de son état, de sa santé, car certains propos qu’elle
tenait étaient incohérents et elle mélangeait tout, elle qui avait une bonne
mémoire et qui aimait tellement la vie. C’est injuste. La maladie d’Alzheimer
est une maladie bien mystérieuse.
Lucile Costa
est décédée en avril 2001. Elle m’avait dit: « Toutes mes photos de tournage seront pour vous après ma
mort. Je vous les réserve… ». Ce que je n’ai jamais eu… Et ses enfants vivent, je crois, à
l’étranger. Mais il me reste quelques photos qu’elle m’a offertes et surtout
les souvenirs plein la tête…
(Reproduction
interdite)
FILMOGRAPHIE
1943 - Adémaï, bandit d’honneur : de Gilles Grangier
avec Noël-Noël
1944 - Mademoiselle X : de Pierre Billon
avec Madeleine Sologne
1946 - La belle et la bête : de Jean Cocteau
avec Jean Marais
- Au petit bonheur : de Marcel l’Herbier
avec Danielle Darrieux
° Seulement a terminé le film
- Le père tranquille : de René Clément
avec Noël-Noël
1947 - Les maudits : de René Clément
avec Marcel Dalio
- Clochemerle : de Pierre Chenal
avec Saturnin Fabre
1948 - La septième porte : d’André Zwoboda
avec Maria Casarès
1949 - Au-delà des grilles : de René Clément
avec Jean Gabin
- Le jugement de Dieu : de Raymond Bernard
avec Jean-Claude Pascal
1950 - La rose rouge : de Marcel Pagliero
avec les Frères Jacques
1951 - Le cap de l’espérance : de Raymond Bernard
avec Edwige Feuillère
1952 - La p… respectueuse : de Marcel Pagliero
avec Barbara Laage
1953 - La dame aux camélias : de Raymond Bernard
avec Micheline Presle
1954 - La reine Margot : de Jean Dréville
avec Jeanne Moreau
1955 - Les amants du Tage : d’Henri Verneuil
avec Françoise Arnoul
- Des gens sans importance : d’Henri Verneuil
avec Jean Gabin
1956 - Les aventures de Till l’espiègle : de Gérard Philipe et Joris Ivens
avec Gérard Philipe
- La mariée est trop belle : de Pierre Gaspard-Huit
avec Brigitte Bardot
1957 - Une parisienne : de Michel Boisrond
avec Brigitte Bardot
1958 - Maxime : d’Henri Verneuil
avec Michèle Morgan
1959 - Le testament d’Orphée : de Jean Cocteau
avec Jean Marais
- Le secret du chevalier d’Eon : de Jacqueline Audry
avec Bernard Blier
- La vache et le prisonnier : d’Henri Verneuil
avec Fernandel
- Meurtres en 45 tours : d’Etienne Périer
avec Danielle Darrieux
1960 - Moderato Cantabile : Peter Brook
avec Jean-Paul Belmondo
- L’affaire dune nuit : d’Henri Verneuil
avec Pascale Petit
- Fortunat : d’Alex Joffé
avec Bourvil
1961 - Le président : d’Henri Verneuil
avec Jean Gabin
- Les lions sont lâchés : d’Henri Verneuil
avec Claudia Cardinale
- Les petits matins : de Jacqueline Audry
avec Arletty
° Seulement a commencé le tournage
- Une blonde comme ça : de Jean Jabely
avec Tania Beryll
1962 - Horace 62 : d’André Versini
avec Charles Aznavour
- Un singe en hiver : d’Henri Verneuil
avec Jean Gabin
1963 - Mélodie en sous-sol : d’Henri Verneuil
avec Jean Gabin
1964 - L’homme de Rio : de Philippe de Broca
avec Jean-Paul Belmondo
- Cent mille dollars au soleil : d’Henri Verneuil
avec Jean-Paul Belmondo
- Les pas perdus : de Jacques Robin
avec Michèle Morgan
- Week-end à Zuydcoote : d’Henri Verneuil
avec Jean-Paul Belmondo
1965 - Le corniaud : de Gérard Oury
avec Bourvil
1966 - La nuit des adieux (Troisième jeunesse) : de Jean Dréville
avec Gilles Segal
- La grande vadrouille : de Gérard Oury
avec Louis de Funès
° Seulement assistante réalisatrice
1967 - Playtime : de Jacques Tati
avec Jacques Tati
° aussi avec la scripte Sylvette Baudrot
- Casse-tête chinois pour le judoka : de Maurice Labro
avec Marc Briand
1968 - La bataille de San Sébastien : d’Henri Verneuil
avec Anthony Quinn
- Le rapace : de José Giovanni
avec Lino Ventura
1969 - Le clan des Siciliens : d’Henri Verneuil
avec Jean Gabin
1970 - Dernier domicile connu : de José Giovanni
avec Lino Ventura
- Un aller simple : de José Giovanni
avec Jean-Claude Bouillon
1971 - Où est passé Tom? : de José Giovanni
avec Rufus
- Le casse : d’Henri Verneuil
avec Jean-Paul Belmondo
1972 - La scoumoune : de José Giovanni
avec Jean-Paul Belmondo
1973 - Le serpent : d’Henri Verneuil
avec Yul Brynner
- Le boucher, la star et l’orpheline : de Jérôme Savary
avec Patricia Novarina
1974 - Les 4 Charlots mousquetaires : d’André Hunebelle
avec les Charlots
- Les Charlots en folie: à nous quatre Cardinal! : d’André Hunebelle
avec les Charlots
1975 - Chronique des années de braise : de Mohammed Lakhdar-Hamina
avec Jorgos Vayagis
- Il faut vivre dangereusement : de Charles Makovski
avec Annie Girardot
- Le gitan : de José Giovanni
avec Alain Delon
- Bons baisers de Hong-Kong : d’Yvan Chiffre
avec les Charlots
1976 - Comme un boomerang : de José Giovanni
avec Alain Delon
- Le corps de mon ennemi : d’Henri Verneuil
avec Jean-Paul Belmondo
1978 - Le gendarme et les extra-terrestres : de Jean Girault
avec Louis de Funès
° Seulement scripte de la 2ème équipe
1979 - Les égouts du paradis : de José Giovanni
avec Francis Huster
- I comme Icare : d’Henri Verneuil
avec Yves Montand
1980 - Rodriguez au pays des merguez : de Philippe Clair
avec Geneviève Fontanel
- Une robe noire pour un tueur : de José Giovanni
avec Annie Girardot
1981 - Le roi des cons : de Claude Confortès
avec Francis Perrin
Scripte également pour des téléfilms dont 4 épisodes de « Claudine » (1976) d’Edouard Molinaro.
Réalisatrice de courts métrages: « Peau d’ours », « Le filleul de la mort » (d’après Grimm), « La boîte à musique » et « Murs », ces 4 courts métrages produits par Paul Ricard en 1953, et « L’enfant et le lamentin » (1962) d’après un conte qu’elle a écrit elle-même.
© Stéphan Guérard pour Les Gens du Cinéma (mise à jour
11/11/2009)