Décédée
à Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine) le 1er Décembre 2006
Vrai
Nom : Claude Marcelle Jorre
La ravissante comédienne qu’était Claude
Jade vient de nous quitter!
Le communiqué laconique est tombé à
midi…des suites d’une longue maladie, à Paris…et puis on nous a montré sur le
petit écran, son joli sourire si coquin…
Alors nous avons tous envie de lui
rendre hommage…en la racontant un petit peu… elle a eu l’heureuse idée de nous
confier ses souvenirs dans un livre écrit avec pudeur et tendresse: «Baisers
Envolés».
Claude est née le 8 octobre 1948 à
Dijon, ville où elle passera ses jeunes années,
sous le signe de… Bambi! Ses parents, tous deux professeurs d’anglais,
assistaient à la projection du film de Disney
quand elle a commencé à manifester son désir d’arriver.
De l’avis de tout le monde, elle
ressemble à son papa, Marcel Jorré, brillant, agrégé d’anglais à 21 ans,
passionné de grande musique, et pianiste amateur mais doué.
Sa maman, Marcelle Schneider, est
d’origine alsacienne et se rappelle avoir rencontré Albert Schweitzer qui la
faisait sauter sur ses genoux quand elle était petite fille.
Claude reçoit avec sa sœur Annie, de 13
mois son aînée, une éducation stricte et puritaine dans cette famille
protestante. Mais, elle reconnaît avoir été bien élevée, avec des repères. Elle
a été habituée dès le plus jeune âge à s’intéresser au monde qui l’entoure, à
se passionner pour la lecture, les voyages, les langues étrangères, la musique,
l’art en général! Ainsi, elle joue du piano, fait de la danse et apprend même
la couture! Une petite fille modèle en somme!
En classe, elle se souvient d’une poésie
qu’elle aimait déclamer «L’Opéra de la lune» de Jacques Prévert… Puis, c’est
l’adolescence et ses premiers émois en applaudissant Maurice Escande et Claude
Winter dans «Le jeu de l’amour et du hasard»;
la Comédie Française à Dijon! La jeune fille est enthousiasmée! Elle a
12 ans, mais le conservatoire n’accepte les élèves qu’à partir de 15 ans… En
septembre 1963, elle obtient pourtant
l’autorisation de se présenter au concours d’entrée. Elle est jugée sur
la fable de La Fontaine «Le coq et le renard» et sur un poème de
Verlaine «Après Trois ans»: reçue première! Elle est sur un petit nuage et
rêve de devenir une Edwige Feuillère qu’elle admire tant !
Elle monte à Paris pour aller au
théâtre! Pierre Vanneck dans l’Aiglon la subjugue mais elle aime aussi beaucoup
Jean Marais… (Nous sommes nombreuses de cette génération-là à l’avoir choisi
comme «fiancé de cinéma»).
Au cinéma justement, elle a le droit de
voir Ben-Hur mais ses parents lui refusent «Jules et Jim» d’un certain François
Truffaut . Trop jeune!
Comme la France entière, elle est
bouleversée par la mort de Gérard Philippe.
Là voilà en seconde, elle est choisie par son professeur de français pour
jouer Agnès dans «L’Ecole des femmes». C’est tout juste si elle ne lui saute
pas au cou! Papa et maman donnent leur
accord …à condition que les résultats scolaires n’en patissent pas. Claude fait donc partie de la Comédie de
Bourgogne où une autre comédienne célèbre aura fait, elle aussi, ses premières
armes: Marlène Jobert.
Les critiques sont bonnes! «Claude Jorré
se révèle une excellente Agnès». C’est là, semble-t-il, qu’elle prend, sans
l’exprimer vraiment, la décision de devenir une actrice.
Elle grandit…tombe amoureuse, admire
Catherine Deneuve dans les « Parapluies de Cherbourg » au point
d’imiter sa coiffure; d’ailleurs elle lui ressemble, du moins le pense-t-elle…
Elle continue à endosser des rôles
classiques en préparant le bac. Le spleen un peu…Annie la grande soeur est
montée à Paris…
La voilà dans le rôle de l’innocent de
«l’Arlésienne», rôle qui lui permet de décrocher le 2e prix au
conservatoire de Dijon.
Un cousin Guy Jorré, qui «travaille pour
la télévision» téléphone à Marcel! « Envoie-moi vite une photo de ta fille
pour un petit rôle dans une fiction «Le crime de la rue Chantilly». Elle
portera une tenue 1900 et sera Mademoselle Lily.»
C’est ce qui arrive et le Figaro qui
avait envoyé un photographe fait paraître une photo de Melle Lily… Le début de
la gloire.
Le bac dans la poche avec la mention AB,
elle va à Paris et elle est admise au Cours d’Art dramatique de Jean-Laurent
Cochet. Elle y rencontre un grand garçon blond: il s’appelle Gérard Depardieu.
Odette Laure prodigue des séances d’expression corporelle et de yoga; et Mme
Dussane, l’éveille à l’art poétique…D’autres rencontres, Claude Giraud,
Catherine Salviat, Danièle Evenou, Catherine Hiégel pour ne citer que celles-là
.
Deuxième
coup de fil providentiel du cousin Guy ou plutôt de sa femme Annick Jorré! On
la demande, encore une fois pour la télévision. Un feuilleton où elle serait
une ballerine…
Oui mais! Impossible de garder son vrai
nom, la parenté serait malvenue! Schneider? le nom de jeune fille de sa maman?
Mais il y a une certaine Romy qui le porte déjà …le jade ne serait pas une
pierre qui porte bonheur? C’est décidé! Elle s’appellera désormais Claude
Jade.
Ainsi, elle joue Rosette dans le
feuilleton «Prunelle». Elle ne garde pas un souvenir impé-rissable de sa
participation à ce feuilleton mais elle apprend…elle apprend beaucoup… Dans la
foulée, un autre feuilleton: «Les oiseaux rares» qui aura une bonne écoute en
cette fin d’années 60!
Mais ce qui lui importe surtout: c’est
l’entrée au conservatoire! Une chance, la grande Mary Marquet vient donner des
cours chez Jean-Laurent Cochet. «Elle me paraît terrible et je suis
complètement terrorisée... mais c’est un enchantement de l’écouter».
En juin 1967, JL Cochet l’envoie chez
Sacha Pitoeff qui cherche une jeune actrice pour le rôle de Frida dans Henri IV
de Pirandello. Luce Garcia-Ville (Mme Sacha Pitoeff) prend sous son aile la
jeune Claude au Théâtre Moderne. Son partenaire est André Falcon. «Je prends de
formidables leçons» écrit-elle en contemplant les photos de toute la dynastie
Pitoeff exposées dans les couloirs du théâtre.
La pièce sera un succès et elle recevra les compliments de
la propre fille de Pirandello! Des télégrammes, des lettres de félicitations
affluent pour toute la troupe… dont une de François Truffaut … Claude a les
honneurs de la presse et l’amitié des Pitoeff : elle est radieuse, et se console de sa
déception d’avoir raté le conservatoire …
Début
1968! Un événement qui va bouleverser sa vie! Truffaut veut la rencontrer.
«Bonjour Monsieur, je crois que c’est
avec vous que j’ai rendez-vous»
lui dit-elle intimidée et
coquine à la fois. Le metteur en scène est amusé. Le film en projet est
«Baisers volés» avec l’acteur fétiche Jean-Pierre Léaud. Truffaut prévoit pour
elle le rôle de Christine et lui donne le scénario à lire. Elle accepte bien
sûr …elle tournera dans ses vêtements à elle et le metteur en scène vient dans
son studio de la rue Rémusat choisir avec elle ses tenues.
Le tournage commence et elle est étonnée
d’entendre « Non ne jouez pas! SDyez vous-même… naturelle». Elle apprend
maintenant le cinéma… des rencontres toujours… Delphine Seyrig, Daniel Ceccaldi
et Marie Dubois qui vient accompagner son mari Serge Rousseau , un des acteurs
du film.
Une grande complicité s’installe entre
Truffaut et sa petite recrue… Il l’emmène voir son dernier film «La mariée
était en noir», lui évoque le métier. Il est vigilant à son égard, disponible
et délicat. Puis, il l’invite à dîner, lui offre des fleurs: Claude se sent
amoureuse .
Mais le tournage se termine et François
part vers d’autres cieux. Elle reçoit des pneumatiques, régulièrement et ils se
retrouvent tous deux avec un doux projet de fiançailles. Mais le metteur en scène, déjà père de famille
change brusquement d’avis, ne voulant
pas entraîner une toute jeune fille dans son sillage d’homme qui connaît la
vie. Claude en éprouvera un chagrin immense mais après la rupture, elle vivra
une très belle amitié avec lui, un genre d’amour platonique absolu et cela
jusqu’à la mort de François en 1984.
«Baisers Volés» sera un gros succès et
remportera le Prix Delluc.
Elle tournera encore avec lui «Domicile
conjugal» en 1970 et «L’amour en fuite»
en 1978 qui seront en quelque sorte la suite et la fin de l’histoire d’Antoine
et Christine. Leurs rencontres à chaque fois seront empreintes de tendresse et
de complicité.
Après 1968, la carrière de Claude est
lancée, au théâtre, au cinéma, à la télévision.
Retenons les plus grands films:
Topaz (L’Etau) d’Alfred Hitchcock qui lui enverra tout plein de
messages affectueux… C’est Truffaut qui aura donné son nom au grand réalisateur
américain. Dans ce film, elle aura l’honneur d’être la fille de Dany Robin. Le
hasard fait qu’elle aura également comme partenaires Philippe Noiret (lui aussi
parti il y a quelques jours) et Michel Piccoli.
Evoquons Pierre Brasseur dans le
Monte-Cristo d’Hunnebelle, qui l’appelait affectueusement «la môme» !
«Mon Oncle Benjamin» d’Edouard Molinaro
(qu’elle nomme tendrement Doudou) sera
un vrai succès populaire! Claude y est une ravissante Manette, amoureuse de
Jacques Brel alias Benjamin et fille du colérique Robert Dalban. Elle écrit de
Brel: «Il se montre d’emblée d’une grande simplicité. Il est cordial,
sympathique, ouvert et attentionné aux autres». Elle reconnaît tout de même
avoir eu du mal lors d’une scène un peu dénudée…elle était très pudique !
Plusieurs grands réalisateurs feront
appel à son talent comme Gérard Brach pour Le bateau sur l’herbe, un film très
intimiste.(1970). Elle se rappelle Jean-Pierre Cassel venant sur le tournage
avec son petit Vincent, de 5 ans et
qu’elle appellait «son petit
fiancé»
«Les feux de la Chandeleur» de Serge
Korber en 1972 voient Claude en fille d’Annie Girardot et de Jean Rochefort!
Bernard Fresson est son fiancé et Bernard Lecoq son frère.
Robert Hossein est à ses côtés dans
«Prêtres interdits», sous la houlette de Denys de la Patellière.
Le «Malin Plaisir» lui permet
d’apprécier les charmes du château d’Arpaillargues près d’Uzès, en compagnie de
Mary Marquet, Jacques Weber, Anny Duperey et elle se rappelle les parties de
Scrabble avec Mary Marquet, entre les prises de vue. Elle qui avait été
terrorisée par Mary, l’appelait finalement Mamy !
Elle se rendra ensuite au Japon pour sa
participation dans Kita no misaki où elle avoue avoir eu comme partenaire le
Alain Delon japonais…rien que cela …il s’appelait Goh Cato.
D’autres films, notamment en Italie… d’autres
pièces avec de merveilleux acteurs comme Michel Bouquet, Maria Casares …
Et côté cœur, de belles histoires
d’amour racontées très joliment avec Jean-Claude Dauphin puis avec le comédien
Michel Duchaussoy.
Mais, c’est avec Bernard B. un diplomate
attaché au Quai d’Orsay, qu’elle se marie le 14 décembre 1972.
En 1976, elle décroche certainement son
plus beau rôle en devenant la maman de Pierre.
Le métier de son époux l’emmène en
Russie où elle s’installe. Evidemment, sa carrière marque un ralenti sans pour
cela s’interrompre… On la voit ainsi dans «Bonsoir» de J.P. Mocky, dans le célèbre «Vénus Beauté» de Toni Marshall en 1999.
Sa carrière s’oriente ces dernières
années vers la télévision où elle apparaît dans de nombreuses séries très
suivies comme: Navarro, Une femme d’honneur, Julie Lescaut…
Il faut une méchante maladie pour venir
interrompre cette belle carrière et nous priver d’une de nos plus attachantes
actrices.
Claude Jade était chevalier de la Légion
d’honneur.
Les mots de la préface de son livre
qu’elle avait choisis et empruntés à Montherlant sont les nôtres
aujourd’hui :
Je ne vous quitte pas; on ne quitte que ce
qu’on cesse d’aimer.
Claude JADE Lors de la remise du prix "Reconnaissance des cinéphiles" le 26 juillet 2002 à Puget-Théniers
© Jean-Louis MIILA (Souvenance de Cinéphiles) pour Les Gens du Cinéma
1968 – Baisers
volés : de François Truffaut
avec Delphine
Seyrig
Sous le signe
de Monte-Cristo : de André Hunebelle
avec Paul Barge
L’étau
(Topaz) de Alfred Hitchcock
avec Michel
Piccoli
1969 – Mon oncle
Benjamin : de Edouard Molinaro
avec Jacques Brel
Le
témoin : de Anne Walter
avec Jeanne Pérez
1970 – Le bateau sur
l’herbe / Le bateau : de Gérard Brach
avec Paul
Préboist
Domicile
conjugal : de François Truffaut
avec Barbara
Laage
Nijinsky :
de Tony Richardson
avec Rudolf
Nureyev
1972 – Les feux de la
chandeleur : de Serge Korber
avec Bernard Le
Coq
Home sweet home / La fête à Jules : de
Benoît Lamy
avec Jacques Perrin
1973 – Prêtres
interdits : de Denys De La Patellière
avec Robert
Hossein
1974 – Le malin
plaisir : de Bernard Toublanc-Michel
avec Anny Duperey
Trop c’est
trop : de Didier Kaminka
avec Georges Beller
Number one : de Gianni Buffardi
avec Luigi Pistilli
Un flic obstiné / Le crime de la Via
Condotti / Meutres à Rome (La chica de Via Condotti / La chica di Via
Condotti / La
ragazza di Via Condotti) de Germán Lorente
avec
Frederick Stafford
1975 – Maître Pygmalion /
Pygmalion ou comment devenir une bonne vendeuse : de Hélène Durand
et Philippe Nahum
avec Georges Descrières
1976 – Le choix : de
Jacques Faber
avec Gilles
Kohler
Le cap du Nord (Kita no misaki) de
Kei Kumai
avec Go Kato
Une spirale de brume / Au bonheur des
autres / Caresses bourgeoises (La spirale di nebbia)
de
Eriprando Visconti
avec Marc Porel
1978 – L’amour en
fuite : de François Truffaut
avec Marie-France
Pisier
Le pion : de Christian Gion
avec Michel Galabru
1980 – Le bahut va
craquer : de Michel Nerval
avec Michel
Galabru
Lenine à Paris – Evocation poétique (Lenin
v Parizhe) de Sergei Yutkevich
avec Yuri Kayurov
Téhéran 43 –
Nid d’espions / Téhéran 43 (Tegeran-43 / TerepaH-43) de Aleksandr
Alov
et Vladimir
Naumov
avec Alain Delon
1982 – L’honneur d’un
capitaine : de Pierre Schoendoerffer
avec Jacques
Perrin
Rendez-vous à
Paris (Rendezvous in Paris) de Gabi
Kubach
avec
Harald Kuhlmann
1985 – L’homme qui
n’était pas là : de René Féret
avec Georges Descrières
1987-1990 – Le radeau de
la méduse : de Iradj Azimi
avec Claude
Brosset
1992 – Bonsoir / Bonsoir
ou Le visiteur du soir / Bonsoir ! : de Jean-Pierre Mocky
avec Michel
Serrault
François
Truffaut : Portraits volés : de Michel Pascal et Serge Toubiana–
Documentaire –
avec Fanny Ardant
Tableau d’honneur : de Charles Némès
avec Philippe
Khorsand
1993 – Tombés du
ciel : de Philippe Lioret
avec Jean
Rochefort
2000 – Scénarios sur la
drogue : de Emmanuelle Bercot, Diane Bertrand, Jean Bocheux, Laurent
Bouhnik,
Manuel
Boursinhac, Guillaume Canet, Antoine De Caunes, Etienne Chatiliez, Franck
Chiche,
Isabelle Doval, Jean-Teddy Filippe,
Françoise Huguier, Fred Journet, Henri-Paul Korchia,
Georges Lautner, Sébastien Dhrey, Simon Lelouch, Guillaume Nicloux,
Jean-Christophe Pagnac, Vincent Perez,
Bernard Shoukroun, Arnaud Sélignac, Jean-Louis Tribes
et Marion Vernoux
avec Cécile Bodis
○
Segment : ‘La rampe’ de Santiago Otheguy
La
rampe : de Santiago Otheguy – Court Métrage –
avec Jean Allain
2003 – On location to bed
and board : de Claude De Givray –
Documentaire –
avec
François Truffaut
A San Rémo : de Julien Donada –
Court Métrage –
avec Daniel Duval
ã Jean-Pascal CONSTANTIN
pour Les Gens du Cinéma (Mise à jour 02/12/2006)