JEAN  GABIN

 

 

Vrai nom :  Jean Gabin Alexis Moncorgé.

Né à Paris (9ème) le 17 mai 1904.

Décédé à Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine) le 15 novembre 1976.

 

 

Il avait un regard intensément bleu, parfois perdu dans un rêve intime.  Il était d'une nature secrète, taiseuse.  Avait-il du charme ?  Ce qui est sûr, c'est qu'il dégageait un indiscutable magnétisme dont personne n'a jamais pu trouver l'origine.  En conformité avec sa légende, Gabin reste un mystère…

 

Il est né à Paris, au 23 du boulevard Rochechouart (9ème arrondissement), de parents d'origine alsacienne. De Hélène Petit, une mère plumassière qui mourut tôt et de Georges Moncorgé, charron, devenu par la suite un artiste d'excellente notoriété sous le pseudonyme de Gabin. Jean est le cadet des quatre enfants Moncorgé.

 

Très tôt, il quitte Paris pour passer sa prime enfance à Mériel, à la campagne, près de Pontoise. Il a dix ans lorsque la famille revient dans la capitale pour se fixer à Montmartre.

 

Ecolier peu doué, il décroche son certificat d'étude, mais en reste là après s'être fait renvoyer du lycée Janson-de-Sailly. Dès l'âge de 15 ans, il commence à travailler comme manœuvre, puis comme vendeur de journaux  et enfin comme magasinier.

 

C'est son père qui le fait engager aux Folies-Bergère alors qu'il vient de fêter son dix-neuvième anniversaire.  Après, il participe aux revues de Rip au Vaudeville. Il figure dans les opérettes des Bouffes-Parisiens, telle Là haut de Maurice Yvain dont la vedette est un certain Maurice Chevalier.

Jean, devenu, par la volonté paternelle Jean Gabin, entre dans le monde du spectacle à contrecœur (faut-il le croire ?). Il y rencontre avec plaisir une jeune danseuse, Gaby Basset, une pétulante petite brune, jolie, primesautière, coiffée à la Louise Brooks qu'il appelle affectueusement "toutou".

Il en tombe immédiatement amoureux et l'épouse début 1925, juste avant d'accomplir son service militaire dans la marine.  Ensemble, ils jouent des opérettes dont Trois jeunes filles nues d'Yves Mirande et partent en tournée en Amérique du Sud.  A leur retour, Jean est engagé au Moulin-Rouge sur lequel règne avec autorité Mistinguett qui en est d'ailleurs la directrice artistique.

 

Toutefois, les gens du cinéma le dénichent et la UFA, la célèbre compagnie allemande, lui propose d'emblée le rôle vedette d'un film au titre prometteur Le chemin du Paradis que doit mettre en scène Wilhelm Thiele.

Grave erreur d'appréciation : Gabin ne croit pas au film, le refuse et c'est Henri Garat qui hérite du rôle. Il aura l'honneur de tenir dans ses bras la ravissante Lilian Harvey.  Dès sa sortie, le film connaît un succès sans précédent.

 

S'il ne débute donc pas au cinéma aux côtés de la blonde actrice britannique, Gabin le fait avec sa femme dans Chacun sa chance de Hans Steinhoff.  Un titre très prémonitoire puisque, peu après, le couple se sépare.

 

Jean se remarie en novembre 1933 avec Jeanne Mauchain, dite Doryane, une beauté rencontrée au Casino de Paris.

 

Sa filmographie reste sans grand intérêt jusqu'à Maria Chapdelaine de Julien Duvivier. Un film tourné en extérieurs au Québec pour lequel il a comme partenaires Madeleine Renaud, Jean-Pierre Aumont et Robert Le Vigan.

Ce film, transposition d'un roman canadien très populaire de Louis Hémon, connaît un grand succès et sera retourné seize ans plus tard, en 1950, avec Michèle Morgan qui succédera ainsi à Madeleine Renaud.

 

La bandera, un film sur la légion étrangère espagnole, également sous la direction de Duvivier, est un nouveau succès, ce qui consacre désormais Gabin comme vedette. La suite comporte une série de chefs-d'œuvre : Pépé-le-Moko, La belle équipe, Les bas-fonds inspiré de la pièce de Maxime Gorki et enfin ce très grand classique de Jean Renoir : La grande illusion  tourné avec une distribution prestigieuse dans le cadre du château du Haut-Koenigsbourg.

En 1938, c'est Quai des Brumes, la rencontre choc avec Michèle Morgan, à peine âgée de 18 ans, et la célèbre réplique de Prévert : "T'as d'beaux yeux, tu sais !", qui marque le début d'une idylle qui ne s'arrêtera qu'avec le départ de Jean pour les Etats-Unis, dès le lendemain de la guerre.

 

Exilé en Californie, il n'y tourne que deux films, de surcroît fort médiocres.

Il y vit un nouvel, mais bref amour avec Ginger Rogers puis une passion beaucoup plus longue avec Marlène Dietrich, une star adulée, résolument antinazie, énigmatique et sensuelle, aux jambes mondialement célèbres depuis l'extraordinaire "Ange bleu" de von Sternberg.

 

En 1943, loin de Paris, loin de la France, las de cette oisiveté sous le pacifique soleil californien, il décide de s'engager dans les Forces Françaises Libres, estimant ce rôle nettement plus utile que les niaiseries que lui proposent les studios hollywoodiens.

 

La guerre terminée, Gabin est quadragénaire, son physique a changé, il a la silhouette épaissie et la chevelure grisonnante. Il revient aux studios,  mais ce sera pour y commencer sa traversée du désert.

Son premier film français : Martin Roumagnac, est un projet qui lui tient particulièrement à cœur et qu'il tourne avec Marlène. C'est un échec et sa liaison avec l'actrice un autre, puisque leur idylle s'achève avec la fin du tournage.

 

C'est en revenant au théâtre - 20 ans après - pour La soif, une pièce spécialement écrite pour lui par Henry Bernstein qu'il fait la connaissance de celle qui va devenir sa troisième et dernière épouse : Christiane Fournier, rebaptisée Dominique par le couturier Lanvin dont elle est le mannequin.

Le mariage a lieu le 28 mars 1949 à la mairie du 16ème arrondissement de Paris.

De cette union, naîtront trois enfants : Florence (1949), Valérie (1952) et Mathias (1955), ce sera le couronnement d'une union durable et harmonieuse.  Gabin est définitivement stabilisé.

 

Par contre, pour le cinéma, il doit attendre fin 1953 avec Touchez pas au grisbi pour opérer son grand retour et s'imposer irrémédiablement.  Et encore, il s'en faut de peu, car Jacques Becker veut d'abord confier le rôle à Daniel Gélin qui le refuse et à François Périer qui fait de même.  Le film, loué par la critique, est un grand succès commercial.  Gabin est enfin ressuscité et reconnu par les siens.

 

Il fait 11 films avec Gilles Grangier à qui le lie une très longue et indéfectible amitié.  Le premier est tourné près de Strasbourg, il s'agit de La Vierge du Rhin, un film sur le milieu des mariniers.

Amitié aussi avec Michel Audiard, brillant dialoguiste qui travaille les textes avec une remarquable osmose.  Amitié aussi avec Henri Verneuil, l'émigré arménien qui fera la brillante carrière qu'on lui connaît.

 

L'âge venant apporte à l'acteur d'autres choix, d'autres possibilités.  En cas de malheur avec Brigitte Bardot devient ainsi son dernier film d'amour.

Par la suite, on se souvient des Grandes Familles dans lequel il interprète un chef d'une dynastie du pouvoir prétendant vouloir régenter toute une famille au point d'amener son fils unique au suicide.

 

Avec Fernandel, il fonde la maison de production Gafer ainsi baptisée avec la première syllabe de chaque nom.

 

Fin 1976, il décède à l'Hôpital Américain de Neuilly.  Son épouse lui survivra 26 années.

 

Entêté, bourru, sentimental, pudique, charmeur, sans doute Jean Gabin était-il tout cela.

Ce qui est sûr, c'est qu'il a marqué son époque d'un don de présence incomparable. Il laisse le souvenir d'un très grand professionnel, d'un très grand monsieur qui a fait l'honneur du cinéma français.

 

 

FILMOGRAPHIE

 

1930  Chacun sa chance, de Hans Steinhoff, avec Gaby Basset.

          Méphisto, de Henri Debain et Nick Winter, avec Janine Ronceray.

          L'héritage de Lilette, court métrage, avec Dandy.

          On demande un dompteur, court métrage, avec Dandy.

1931  Paris-Béguin, d'Augusto Genina, avec Fernandel.

          Tout ça ne vaut pas l'amour, de Jacques Tourneur, avec Josseline Gaël.

          Cœur de lilas, d'Anatole Litvak, avec André Luguet.

          Pour un soir, de Jean Godard, avec Colette Darfeuil.

          Cœurs joyeux, de Hans Schwarz et Max de Vaucorbeil, avec Josseline Gaël.

1932  Gloria, de Hans Behrendt, avec Brigitte Helm.

          Les gaietés de l'escadron, de Maurice Tourneur, avec Fernandel.

          La belle marinière, d'Harry Lachmann, avec Madeleine Renaud.

          La foule hurle,  de Jean Daumery et Howard Hawks, avec Hélène Perdrière.

1933  L'étoile de Valencia, de Serge de Poligny, avec Brigitte Helm.

          Adieu les beaux jours, de Johannes Meyer et André Beucler, avec Brigitte Helm.

          Le tunnel, de Kurt Bernhardt, avec Madeleine Renaud.

          Du haut en bas, de Georg-Wilhelm Pabst, avec Janine Crispin.

1934  Zouzou, de Marc Allégret, avec Joséphine Baker.

          Maria Chapdelaine, de Julien Duvivier, avec Madeleine Renaud.

          Golgotha, de Julien Duvivier, avec Edwige Feuillère.

1935  La Bandera, de Julien Duvivier, avec Annabella.

          Variétés, de Nicolas Farkas, avec Annabella.

1936  La belle équipe, de Julien Duvivier, avec Viviane Romance.

          Les bas-fonds, de Jean Renoir, avec Junie Astor.

          Pépé-le-Moko, de Julien Duvivier, avec Mireille Balin.

1937  La grande illusion, de Jean Renoir, avec Pierre Fresnay.

          Le messager, de Raymond Rouleau, avec Gaby Morlay.

          Gueule d'amour, de Jean Grémillon, avec Mireille Balin.

1938  Quai des brumes, de Marcel Carné, avec Michèle Morgan.

          La bête humaine, de Jean Renoir, avec Simone Simon.

1939  Le récif de corail, de Maurice Gleize, avec Michèle Morgan.

          Le jour se lève, de Marcel Carné, avec Arletty.

          Remorques, de Jean Grémillon, avec Michèle Morgan.

1942  Moontide / La péniche de l'amour, d'Archie Mayo, avec Ida Lupino.

1943  The Imposter / L'imposteur, de Julien Duvivier, avec Ellen Drew.

1946  Martin Roumagnac, de Georges Lacombe, avec Marlène Dietrich.

          Miroir, de Raymond Lamy, avec Gisèle Préville.

1948  Au-delà des grilles, de René Clément, avec Isa Miranda.

1949  La Marie du port, de Marcel Carné, avec Nicole Courcel.

1950  E piu facile che un cammello / Pour l'amour du ciel, de Luigi Zampa, avec Antonella Lualdi.

1951  Victor, de Claude Heymann, avec Françoise Christophe.

          La nuit est mon royaume, de Georges Lacombe, avec Simone Valère.

          Le plaisir, sketch "La maison Tellier", de Max Ophüls, avec Madeleine Renaud.

          La vérité sur Bébé Donge, de Henri Decoin, avec Danielle Darrieux.

1952  La minute de vérité, de Jean Delannoy, avec Michèle Morgan.

          Fille dangereuse / Bufere, de Guido Brignone, avec Silvana Pampanini.

1953  Leur dernière nuit, de Georges Lacombe, avec Madeleine Robinson.

          La vierge du Rhin, de Gilles Grangier, avec Nadia Gray.

          Touchez pas au grisbi, de Jacques Becker, avec Jeanne Moreau.

1954  L'air de Paris, de Marcel Carné, avec Arletty.

          Napoléon, de et avec Sacha Guitry.

          Port du désir, d'Edmond T. Gréville, avec Andrée Debar.

          French Cancan, de Jean Renoir, avec Françoise Arnoul.

          Razzia sur la chnouf, de Henri Decoin, avec Magali Noël.

1955  Chiens perdus sans collier, de Jean Delannoy, avec Anne Doat.

          Gas-oil, de Gilles Grangier, avec Jeanne Moreau.

          Des gens sans importance, de Henri Verneuil, avec Françoise Arnoul.

          Voici le temps des assassins, de Julien Duvivier, avec Danièle Delorme.

1956  Le sang à la tête, de Gilles Grangier, avec Renée Faure.

          La traversée de Paris, de Claude Autant-Lara, avec Bourvil.

          Crime et châtiment, de Georges Lampin, avec Marina Vlady.

          Le cas du docteur Laurent, de Jean-Paul Le Chanois, avec Nicole Courcel.

1957  Le rouge est mis, de Gilles Grangier, avec Annie Girardot.

          Maigret tend un piège, de Jean Delannoy, avec Annie Girardot.

          Les misérables, de Jean-Paul Le Chanois, avec Danièle Delorme.

          Le désordre et la nuit, de Gilles Grangier, avec Danielle Darrieux.

1958  En cas de malheur, de Claude Autant-Lara, avec Brigitte Bardot.

          Les grandes familles, de Denys de La Patellière, avec Jean Desailly.

          Archimède le clochard, de Gilles Grangier, avec Dora Doll.

1959  Maigret et l'affaire Saint-Fiacre, de Jean Delannoy, avec Michel Auclair.

          Rue des Prairies, de Denys de La Patellière, avec Marie-José Nat.

1960  Le baron de l'écluse, de Jean Delannoy, avec Micheline Presle.

          Les vieux de la vieille, de Gilles Grangier, avec Pierre Fresnay.

1961  Le Président, de Henri Verneuil, avec Renée Faure.

          Le Cave se rebiffe, de Gilles Grangier, avec Martine Carol.

1962  Un singe en hiver, de Henri Verneuil, avec Jean-Paul Belmondo.

          Le gentleman d'Epsom, de Gilles Grangier, avec Madeleine Robinson.

1963  Mélodie en sous-sol, de Henri Verneuil, avec Viviane Romance.

          Maigret voit rouge, de Gilles Grangier, avec Françoise Fabian.

1964  Monsieur, de Jean-Paul Le Chanois, avec Mireille Darc.

          L'âge ingrat, de Gilles Grangier, avec Fernandel.

1965  Le tonnerre de Dieu, de Denys de La Patellière, avec Michèle Mercier.

          Du rififi à Paname, de Denys de La Patellière, avec Mireille Darc.

1966  Le jardinier d'Argenteuil, de Jean-Paul Le Chanois, avec Liselotte Pulver.

1967  Le soleil des voyous, de Jean Delannoy, avec Suzanne Flon.

          Le Pacha, de Georges Lautner, avec Dany Carrel.

1968  Le Tatoué, de Denys de La Patellière, avec Louis de Funès.

1969  Sous le signe du taureau, de Gilles Grangier, avec Suzanne Flon.

          Le clan des Siciliens, de Henri Verneuil, avec Lino Ventura.

1970  La horse, de Pierre Granier-Defferre, avec Pierre Dux.

1971  Le chat, de Pierre Granier-Defferre, avec Simone Signoret.

          Le drapeau noir flotte sur la marmite, de Michel Audiard, avec Ginette Leclerc.

1972  Le tueur, de Denys de La Patellière, avec Bernard Blier.

1973  L'affaire Dominici, de Claude Bernard-Aubert, avec Victor Lanoux.

          Deux hommes dans la ville, de José Giovanni, avec Alain Delon.

1974  Verdict, d'André Cayatte, avec Sophia Loren.

1976  L'année sainte, de Jean Girault, avec Danielle Darrieux.

 

© Yvan Foucart – Dictionnaire des comédiens français disparus.