Etchika CHOUREAU
L'étoile
filante du cinéma français
Avec ses yeux pers et sa longue chevelure
blonde, avec sa touchante gravité et ses sourires souvent crispés, certains
critiques ont voulu faire d'Etchika Choureau une seconde Danièle Delorme. Hélas, son parcours cinématographique prit
fin trop vite pour qu'elle puisse concrétiser ses ambitions. Après une absence, somme toute volontaire,
elle revint, mais il était déjà trop tard. La profession bien plus que le
public, c'est bien connu, n'a pas de mémoire…
De son vrai nom
Jeannine Paulette Verret, elle naît dans le quartier de Belleville à Paris le
12 novembre 1929.
Très jeune, sans doute parce que son grand-père dirige un
sanatorium en Seine-et-Oise, elle se sent attirée par la médecine. Les études sont longues, trop longues, aussi
se lance-t-elle dans l'esthétique : massage, manucure, maquillage, toutefois
sans trop s'y attarder.
Elle rencontre Max Choureau, son aîné de quatre ans dont les
parents sont apiculteurs dans le Gâtinais.
Elle a 19 ans, il est beau, elle tombe amoureuse, lui aussi, et se
marient le jeudi 29 janvier 1948 à la mairie du huitième arrondissement.
Ils secondent l'entreprise familiale, ouvrent un bureau à Paris et
promotionnent le "Miel Choureau".
Le commerce ne fait pas long feu.
C'est, qu'entre-temps, Jeannine attirée par le cinéma entre au cours de
l'illustre René Simon où elle réussit à se classer en tête dès le premier
concours que préside Edwige Feuillère.
C'est là aussi qu'Alain Cuny la découvre et d'emblée la pousse à
accepter un très beau rôle dans un film franco-italien qu'Antonioni tourne en
Italie. Ce film reste longtemps interdit
en France. La censure très puissante de
l'époque s'y oppose car il rappelle trop la bande des J 3 de Melun qui défraya
la chronique judiciaire quelques années plus tôt. Cela n'empêche pas Jeannine, désormais
Etchika, d'être promue directement vedette pour son rôle de fille perverse et
intrigante, et seule présence féminine dans la distribution.
Cette
même année, elle divorce, mais garde le nom de son ex-mari comme
pseudonyme. Quant à Etchika, le prénom,
il lui vient d'un premier amour de jeunesse connu lors de vacances corses qui
n'avait de cesse de lui parler d'une petite île enchanteresse, non loin des
côtes, portant ce nom à la consonance si particulière…
Elle
enchaîne avec L'envers du paradis d'Edmond T.Gréville, un émouvant drame
d'amour pour certains critiques, un grossier mélodrame populaire pour
d'autres. Si ceux-ci ont raison, dommage
que le grand Erich von Stroheim s'y fourvoie… Il est vrai qu'à l'époque, ses
apparitions nous laissaient un goût d'amertume eu égard à tous les
chefs-d'œuvre qu'il avait en lui et qu'il n'a jamais pu tourner.
Etchika
y incarne une jeune phtisique condamnée par le corps médical qui tombe
amoureuse d'un jeune écrivain incarné par le beau Jacques Sernas avant son exil
transalpin. D'aucuns cependant diront à
l'issue du film "que la jolie vedette semble se spécialiser dans les rôles
tristes. Et celui-ci est triste à
pleurer, mais c'est si bon de pleurer en compagnie d'Etchika Choureau…"
Le
film suivant, son troisième, ne lui laisse pas un heureux souvenir puisqu'il
s'agit de La grande muraille une production italienne dont le tournage
est prévu à Bombay aux Indes et en Indonésie.
Etchika doit y incarner une jeune nonne.
A l'issue de la première semaine de tournage, le producteur se retrouve
sans le sou… et avec ses comédiens en otages.
Etchika ne doit son retour sur Paris qu'à la générosité d'amis français.
Il
est temps car Léonide Moguy s'impatiente pour le premier tour de manivelle des Enfants de l'amour, un mélo pavé de bonnes
intentions dans lequel elle interprète une fille-mère maudite par son père
(Marcel Pérès), un riche paysan qui l'accuse (faussement, bien sûr) d'un
précédent infanticide. Entourée d'un
médecin au grand cœur incarné par Jean-Claude Pascal et d'une assistante
sociale généreuse et compréhensive aux doux traits de Lise Bourdin, la petite
Etchika ne peut qu'émouvoir et reçoit pour son rôle le prix Suzanne-Bianchetti
1953, succédant ainsi à Nadine Basile.
Par
la suite, elle emprunte l'Escalier de service, de Carlo Rim, lequel en
adroit scénariste passant à la mise en scène, nous offre quatre sketches
prestement enlevés par notre toute récente
récipiendaire. Etchika interprète la
jeune bonne quelque peu candide dont on partage les aléas et les déboires,
victime d'une patronne acariâtre, d'une autre à la
situation financière qui s'écroule, victime tout simplement de l'ingratitude et
des passions humaines. Quant au bon
public du samedi soir, il en sort soulagé et ravi car avant la fin du film elle
rencontre, bien entendu, l'amour sous les traits d'un jeune peintre un tantinet
faussaire : Marc Cassot.
Et
nouvelle récompense : Etchika se voit décerner le prix populiste du cinéma
français.
Vient
ensuite L'impossible Monsieur Pipelet d'André Hunebelle où elle incarne
la fille de Michel Simon, en concierge et facteur, et de Gaby Morlay, Français
moyens plus vrais que nature. Cette
ravissante comédie due à l'association du metteur en scène et du scénariste
Jean Halain conte les amours contrariées (on reste sur le même tempo) de la
jeune, charmante et sérieuse bachelière amoureuse du fils des propriétaires
(Jean Brochard et Renée Passeur). Que
l'on se rassure, ici aussi, l'issue sera heureuse.
Pour
Toute la ville accuse, première réalisation de Claude Boissol, elle est
la partenaire de Jean Marais dans le rôle d'un écrivain, mécène bien malgré
lui, qui domine cette rafraîchissante oeuvrette.
Les
sollicitations pleuvent et Etchika devient en peu de films une valeur sûre et
l'une des plus jeunes actrices parmi les mieux payées.
Et
c'est précisément à ce moment que sa filmographie marque un vide total pour
l'année 1957.
Que
se passe-t-il?
Il
se passe tout simplement qu'elle est, à l'instar de Cécile Aubry, tombée
amoureuse d'un prince maghrébin des plus en vue et bientôt appelé aux plus
hautes responsabilités qui soient.
Un
secret finalement bien mal gardé. Un
amour impossible.
Après
cette année de turbulences, début 1958, elle relance sa carrière sur le sol
américain avec deux films réalisés par William A. Wellman pour la Warner Bros,
mais cette fois le succès n'est pas au rendez-vous.
Du
reste, il ne reviendra plus.
Quatre
autres années s'écoulent sans le moindre rôle, puis une bien maigre apparition
dans un film raté de Maurice Boutel, une autre auprès de Michèle Mercier dans
le premier volet des Angélique et enfin, en 1965, sa dernière
apparition, fugace, dans Paris au mois d'août, une Brève rencontre
à la française d'après un roman de René Fallet.
Elle campe la silhouette de l'épouse de Charles Aznavour, vendeur à la
Samaritaine, partie en vacances avec ses deux enfants alors que resté seul à
Paris, il croise une fausse cover girl
anglaise (Susan Hampshire) pour une love story de midinettes.
Etchika
prête tout son talent fait de gentillesse et de sincérité, mais le clap avec le
mot "fin" tombe de façon définitive sur ce dix-septième film.
Pour
Etchika, le cinéma est bel et bien fini.
Trois
ans plus tard, on apprend son mariage à Cassis avec Philippe Rheims, un
commissaire-priseur, et l'on entendra plus jamais parler de la jeune première
séduisante aux yeux pers.
Séduisante…
et au talent prometteur.
FILMOGRAPHIE.
1953
I Vinti / Les vaincus, de Michelangelo Antonioni, avec Jean-Pierre
Mocky.
L'envers du paradis, d'Edmond T.Gréville, avec Erich von Stroheim.
Les enfants de l'amour, de Léonide Moguy, avec Jean-Claude Pascal.
1954
Les intrigantes, de Henri Decoin, avec Raymond Rouleau.
Escalier de service, de Carlo Rim, avec Danielle Darrieux.
Ein Mädchen aus Paris, de Franz Seitz, avec
Ferdinand Anton.
Les fruits de l'été, de Raymond Bernard,
avec Edwige Feuillère.
1955
L'impossible Monsieur Pipelet, d'André Hunebelle, avec Michel Simon.
Toute la ville accuse, de Claude Boissol, avec Jean Marais.
1956
La foire aux femmes, de Jean Stelli, avec Jean Danet.
Les lumières du soir, de Robert Vernay, avec Gaby Morlay.
I Colpevoli / Responsabilité
limitée, de Turi Vasile, avec Vittorio De Sica.
1958
Darby's Rangers / Les commandos passent à l'attaque, de William A. Wellman,
avec James Garner.
Lafayette Escadrille / Escadrille Lafayette, de William A. Wellman, avec
Tab Hunter.
1962
La prostitution, de Maurice Boutel, avec Evelyne Dassas.
1964
Angélique, marquise des anges, de Bernard Borderie, avec Michèle
Mercier.
1965
Paris au mois d'août, de Pierre Granier-Deferre, avec Charles
Aznavour.
© Yvan FOUCART pour Les Gens de Cinéma