JEAN-PIERRE AUMONT
Vrai nom : Jean-Pierre Philippe Salomons.
Né à Paris (9ème) le 5 janvier 1911.
Décédé à Gassin (Var) le 30 janvier
2001.
Jean-Pierre,
le fils aîné (le cadet étant le futur réalisateur François Villiers) d'Alex Salomons et de Suzanne Cahen, est
un écolier qui se révèle difficile, dissipé et farceur, au grand désarroi de
ses parents et de ses maîtres.
C'est
lors d'une représentation d'Andromaque, interprété par De Max, qu'il
découvre sa vocation et qu'il décrète qu'il sera comédien. Sous la menace, il "engage" son frère, peu enthousiaste, comme répétiteur
pour lui donner la réplique dans les tragédies de Racine et de Molière.
Plus
sérieusement, il suit des leçons de diction chez Eugène Larcher et des cours
d'art dramatique chez Renée Du Minil, une ex-sociétaire de la Comédie
Française. Pour consolider son précieux acquis, il s'inscrit au Conservatoire,
mais réussit à s'en faire exclure pour n'avoir pu refréner un fou rire lors
d'une scène d'Œdipe roi où le grand
tragédien, Albert Lambert, sort du palais, titubant, les yeux crevés dégoulinant d'hémoglobine.
Cet
"incident" n'empêche pas Louis Jouvet de le prendre sous sa protection
et de l'engager dans sa troupe. Avec Janine Crispin, il crée Le prof'
d'anglais de Régis Gignoux.
La
carrière de Jean-Pierre est lancée. 1934
est l'année de tous les bonheurs.
Au
théâtre d'abord, où sur les recommandations de Jean Cocteau, Jouvet lui confie
le rôle d'Œdipe pour la création de La machine
infernale aux côtés de Marthe Régnier.
Au
cinéma ensuite, où Marc Allégret (faute d'obtenir Johnny Weissmuller ni plus ni
moins !) lui offre le rôle du jeune maître-nageur de Lac aux Dames, aux
côtés de la féline Simone Simon et de la ravissante Rosine Deréan. Le film, tiré d'un roman de Vicki Baum,
connaît un tel succès que le couple formé avec Simone se reconstitue
immédiatement pour deux autres films.
Dès
lors, Jean-Pierre n'arrête plus de tourner. De cette époque émergent Drôle
de drame où il interprète Billy, le laitier poétique, et Hôtel du Nord
dans lequel il tient le rôle de l'amant pusillanime et désespéré : deux
magnifiques réussites de Marcel Carné.
Le
théâtre n'est pas du reste : Le Cœur de Henry Bernstein qu'il joue avec
Claude Dauphin; Sérénade à trois, une adaptation de la pièce de Noël
Coward, avec Blanche Montel.
La
guerre l'amène en Amérique, grâce à un visa de complaisance d'un diplomate du
Honduras.
Dès son
arrivée à New York, il part en tournée avec Rose Burke, une pièce de
Bernstein. Sa partenaire n'est autre que Katherine Cornell, une grande figure
du théâtre américain. Quant à la doublure de Jean-Pierre, un grand garçon
maigre, noir, timide, gauche, et beau, il se fera connaître quelques années
plus tard sous le nom de… Gregory Peck !
Louis
B. Mayer, le puissant magnat de la Métro, le repère, l'estime et l'engage pour Un
commando en Bretagne. Robert Taylor,
pressenti pour le premier rôle, se voit contraint de le céder à Jean-Pierre et
comme un bonheur n'arrive jamais seul, il rencontre Maria Montez, la star
d'Universal, la compagnie concurrente. Coup de foudre, ils se marient le 13
juillet 1943.
Trois
mois plus tard, alors que rien ne l'oblige à quitter la bienfaisante quiétude
du paradis californien, il s'engage dans les Forces Françaises Libres et va
rejoindre en Tunisie la 1ère D.F.L. commandée par le
Général Diego Brosset dont il devient l'aide de camp.
Il
participe aux campagnes d'Afrique du Nord et d'Italie, au débarquement en
Provence, à la bataille des Vosges. Blessé deux fois, il recevra la croix de
Guerre et la Légion d'Honneur.
Le
conflit terminé, il regagne Hollywood et Maria lui donne une fille : Maria-Christine dite Tina.
Dès
lors, sa carrière tant cinématographique que théâtrale se partage entre les
deux continents.
Jean-Pierre
écrit sa première pièce : L'empereur de Chine. Il l'interprète avec Yolande Laffon et Nadine
Alari. Une première pièce est toujours
de nature à inquiéter les directeurs.
C'est cependant Marcel Herrand, l'un des plus exigeants, des plus
pointilleux qui la met en scène.
Maria
décède le 7 septembre 1951 dans leur maison de Suresnes.
Paris,
Los Angeles, Rome, Jean-Pierre devient l'ambassadeur n°1 du cinéma français. Son rythme de vie est international. Il
rencontre Grace Kelly, future princesse de Monaco... et cela fait beaucoup de
bruit des deux côtés de l'Atlantique… ainsi qu'ailleurs.
Il
rencontre aussi Marisa Pavan, la sœur jumelle d'Anna-Maria Pierangeli, dans sa
loge au "Théâtre de la Comédie-Caumartin" où il joue Les pavés du
ciel d'Albert Husson. Le contact est
plus discret, plus intense. Il débouche sur un heureux
mariage... sur deux même, ce qui n'est pas commun. Une double preuve d'amour couronnée par la
naissance de deux fils : Jean-Claude et Patrick.
A
Broadway et en tournée pendant deux ans avec Vivien Leigh puis avec Eva Gabor,
il aborde la comédie musicale avec Tovaritch de Jacques Deval. Jean-Pierre Aumont chanteur, voilà un aspect
assez méconnu en Europe.
Devant
ce succès, il récidive avec Marisa. Ils
entreprennent plusieurs tours de chant à travers les Etats-Unis, puis ils
jouent Gigi et Carnival. Les critiques sont
extrêmement laudatives.
Deux
autres comédies musicales suivent : South Pacific et Jacques Brel is
alive and well and living
in Paris.
Au
cinéma, citons encore quelques bonnes compositions : celle du mari trompé dans Un
château en enfer avec Burt Lancaster; celle du vieux comédien ambigu
de La nuit américaine de Truffaut; celle de l'amant éconduit de Diana
Ross dans Mahogany, etc.
Au
théâtre : Des journées entières dans les arbres de Marguerite Duras
qu'il joue à la Gare d'Orsay avant que celle-ci ne devienne musée, Les
amants terribles et La maison du lac, toutes deux avec la fidèle et
infatigable Danielle Darrieux, Coup
de soleil avec la trépidante
Jacqueline Maillan, etc.
Beaucoup
de téléfilms aussi, entre autres : La griffe du destin dans lequel lui
échoit le lourd "privilège" de
gifler la capiteuse, mais infidèle Joan Collins, Les grandes familles
d'Edouard Molinaro, Senso aux côtés de Chiara Caselli, etc.
Impossible
de tout citer !
Il
aimait rappeler que la direction de Jean Renoir pour la superbe et unique
représentation de Jules César dans le cadre prestigieux des arènes
d'Arles restait l'un de ses meilleurs souvenirs professionnels.
Par
ailleurs, Jean-Pierre est aussi l'auteur de plusieurs pièces de théâtre, de
deux livres de souvenirs, de recueils de nouvelles, etc.
Il
avait cette façon, reconnaissable entre toutes, de marcher en lançant les
pieds. Il avait surtout ce sourire franc et irrésistible, cette
gentillesse exquise… Un comédien éminemment intelligent et attachant.
FILMOGRAPHIE
1931
Jean de la lune, de Jean Choux, avec Madeleine Renaud.
1932 Echec et mat, de Roger Goupillières, avec
Dolly Davis.
Faut-il les marier ?,
de Carl Lamac et Pierre Billon, avec Anny Ondra.
Eve cherche un père, de Mario
Bonnard, avec Assia Noris.
La merveilleuse tragédie de Lourdes,
de Henri Fabert, avec Hélène Perdrière.
1933 Dans les rues, de Victor Trivas, avec
Madeleine Ozeray.
1934 Lac aux dames, de Marc Allégret, avec Simone
Simon.
Maria Chapdelaine, de Julien
Duvivier, avec Madeleine Renaud.
Le voleur, de Maurice Tourneur, avec
Madeleine Renaud.
1935 Un jour viendra, de Gerhardt Lamprecht et
Serge Veber, avec Kate de Nagy.
Les yeux noirs, de Victor Tourjansky,
avec Simone Simon.
L'équipage, d'Anatol Litvak, avec
Annabella.
Les beaux jours, de Marc Allégret,
avec Simone Simon.
1936 Tarass Boulba, d'Alexis Granowsky, avec
Danielle Darrieux.
1937 Le chemin de Rio - Cargaison blanche, de
Robert Siodmak, avec Kate de Nagy.
La porte du large, de Marcel
L'Herbier, avec Marcelle Chantal.
Le messager, de Raymond Rouleau, avec
Gaby Morlay.
Drôle de drame, de Marcel Carné, avec
Françoise Rosay.
Maman Colibri, de Jean Dréville, avec
Huguette Duflos.
La femme du bout du monde, de Jean
Epstein, avec Germaine Rouer.
1938 Chéri-Bibi, de Léon Mathot, avec Pierre
Fresnay.
Le paradis de Satan, de Félix
Gandera, avec Jany Holt.
Belle étoile, de Jacques de
Baroncelli, avec Meg Lemonnier.
S.O.S.
Sahara, de Jacques de Baroncelli, avec Marta Labarr.
Hôtel du Nord, de Marcel Carné, avec
Annabella.
1939
Je t'attendrai - Le déserteur, de Léonide
Moguy, avec Corinne Luchaire.
1943
Assignment in Brittany
/ Un commando en Bretagne, de Jack Conway, avec Susan Peters.
The cross of Lorraine / La croix de
Lorraine, de Tay Garnett, avec Gene Kelly.
1946
Heartbeat / Un cœur à prendre, de Sam Wood,
avec Ginger Rogers.
1947
Song of Scheherazade / Le chant de
Shéhérazade, de Walter Reisch, avec Yvonne de Carlo.
1948
The first gentleman / Le destin de Léopold I,
d'Alberto Cavalcanti, avec Joan Hopkins.
Siren of
Atlantis / L'Atlantide, de Gregg G. Tallas et Arthur
Ripley, avec Maria Montez.
1949
Hans le marin, de François Villiers, avec Maria Montez.
Golden arrow,
de Gordon Parry, avec Paula Valenska.
1950
La vie commence demain, de Nicole Védrès,
documentaire.
L'homme de joie, de Gilles Grangier,
avec Simone Renant.
1951
L'amant de paille, de Gilles Grangier, avec Gaby Sylvia.
La vendetta del corsaro
/ La vengeance du corsaire, de Primo Zeglio, avec Maria Montez.
Hollywood-sur-Seine,
court métrage de François Villiers.
Les loups chassent la nuit, de
Bernard Borderie, avec Carla del Poggio.
1952
Moineaux de Paris, de Maurice Cloche, avec les Petits Chanteurs à la
Croix de Bois.
Ultimo incontro
/ Dernier rendez-vous, de Gianni Franciolini, avec Alida Valli.
Lili, de Charles Walters, avec Leslie
Caron.
Koenigsmark, de Solange Térac, avec
Silvana Pampanini.
1953
Charge of the Lancers / La charge des lanciers, de William Castle, avec Paulette Goddard.
Vedettes en pantoufles, court métrage
de Jacques Guillon.
Si Versailles m'était conté, de et
avec Sacha Guitry.
1954
Dix-huit heures d'escale, de René Jolivet, avec Maria Mauban.
Napoléon, de et avec Sacha Guitry.
1955
Mademoiselle de Paris, de Walter Kapps, avec Giselle Pascal.
1956
Hilda Crane / L'impudique, de Philip Dunne, avec Jean Simmons.
The seventh
sin / La passe dangereuse, de Ronald Neame, avec Eleanor Parker.
1958
John Paul Jones / John Paul Jones, le maître des mers, de John Farrow,
avec Marisa Pavan.
La verte moisson, de François
Villiers, uniquement codialoguiste.
1959
The enemy general /
Le général ennemi, de George Sherman, avec Van Johnson.
1960
The blonde from Buenos Aires / La blonde de
Buenos Aires, de George Cahan, avec Mamie
Van Vooren.
1961
The devil at four o'clock
/ Le diable à quatre heures, de Mervyn LeRoy, avec Spencer Tracy.
Le puits aux trois vérités, de
François Villiers, simple apparition.
L'art de vivre, court métrage
d'Edouard Berne.
Les sept péchés capitaux, sketch
"L'orgueil", de Roger Vadim, avec Michèle Girardon.
Una domenica d'estate / Un dimanche
d'été, de Giulio Petroni, avec Anna-Maria Ferrero.
1962
Five miles to midnight / Le couteau dans la plaie, d'Anatol Litvak, avec
Sophia Loren.
The horse without a head / L'affaire du cheval sans tête, de Don Chaffey, avec Pamela
Franklin.
Vacances portugaises, de Pierre Kast,
avec Françoise Arnoul.
1967
Blind man's bluff / El coleccionista
de cadaveres / Le collectionneur de cadavres, de
Santos Alcover,
avec Viveca Lindfors.
Castle
keep / Un château en enfer, de Sydney Pollack, avec
Burt Lancaster.
1971
Biribi, de Daniel Moosmann, avec Michel Tureau.
1972
L'homme au cerveau greffé, de Jacques Doniol-Valcroze, avec Nicoletta
Machiavelli.
La nuit américaine, de François
Truffaut, avec Jacqueline Bisset.
1974
Porgi l'altra guancia / Les deux missionnaires, de Franco Rossi, avec
Terence Hill.
Le chasseur d'ombres, de Teri McLuhan, commentaires pour la version française.
Vérités et mensonges, d'Orson Welles,
simple apparition.
The happy hooker
/ Mon métier, c'est le plaisir, de Nicholas Sgarro,
avec Lynn Redgrave.
1975
Le chat et la souris, de Claude Lelouch, avec Michèle Morgan.
Mahogany,
de Berry Gordy, avec Diana Ross.
Catherine et Cie, de Michel Boisrond,
avec Jane Birkin.
1976
Des journées entières dans les arbres, de Marguerite Duras, avec
Madeleine Renaud.
1977
Two solitudes / Deux solitudes, de Lionel Chetwynd, avec Stacy Keach.
1978
New York blackout / Black-out... et la terreur
commence, d'Eddy Matalon, avec Jim
Mitchum.
1979
Something short of paradise
/ Un bout de paradis, de David Helpern Jr, avec Susan
Sarandon.
1980
Allons z'enfants, d'Yves Boisset, avec Jean Carmet.
1981
Difendimi dalla notte,
de Claudio Fragasso, avec Leonora
Fani.
1982
La villa delle anime maledette,
de Carlo Ausino, avec Beba
Loncar.
Nana, de Dan Wolman, avec Katya Berger.
1983
La java des ombres, de Romain Goupil, avec Tcheky
Karyo.
Le sang des autres, de Claude
Chabrol, avec Jodie Foster.
1985
Sweet country, de Michael Cacoyannis, avec Carole Laure.
1986
On a volé Charlie Spencer, de et avec Francis Huster.
1988
A notre regrettable époux, de Serge Korber, avec Jacqueline Maillan.
1991
A star for two / Une étoile pour deux, de Jim Kaufman, avec Lauren
Bacall.
Devenir Colette, de Danny Huston,
avec Mathilda May.
1992
Los mares del sur, de Manuel Esteban, avec Silvia Tortosa.
1994
Giorgino, de Laurent Boutonnat, avec Mylène
Farmer.
1995
Jefferson in Paris / Jefferson à Paris, de James Ivory, avec Nick Nolte.
1996
La propriétaire, d'Ismail Merchant, avec Jeanne Moreau.
© Yvan FOUCART – Dictionnaire des
Comédiens Français disparus